Samedi 17 novembre 2007 à 06h46
KIRKOUK (Irak), 17 nov 2007 (AFP) — Avec ses champs de pétrole qui excitent les convoitises, sa situation politique bloquée, des tensions ethniques et une violence quotidienne, Kirkouk, ville du nord-est de l'Irak, est un casse-tête auquel personne, à Bagdad ou ailleurs, semble pouvoir trouver de solution.
Sur le papier tout semblait simple: la Constitution irakienne, adoptée en décembre 2005 par 85% des votants, stipulait un droit au retour à Kirkouk pour les milliers de Kurdes chassés de chez eux par le régime de Saddam Hussein, qui les avaient remplacés par des populations arabes pour mieux contrôler cette riche région.
Un recensement devait ensuite, avant juillet 2007, établir des listes électorales et permettre un référendum avant fin décembre pour décider ou non d'intégrer Kirkouk à la région kurde voisine, prospère et largement autonome.
Mais les préparatifs du recensement n'ont toujours pas commencé et personne, à Kirkouk ou à Bagdad, ne croit plus que le scrutin pourra se tenir avant la fin de l'année.
Si les Kurdes, qui représentent selon les estimations officieuses un peu plus de la moitié des quelque 1,3 million d'habitants de la province, s'accrochent à l'espoir qu'il ne sera que reporté de quelques mois, d'autres ne veulent pas en entendre parler.
"Si on fait un référendum, il faut que tous les Irakiens, et pas seulement les habitants de Kirkouk, puissent voter", confie à l'AFP le cheikh Abdallah al-Assei, puissant chef tribal sunnite et principal représentant des Arabes au Conseil provincial.
"Pour pouvoir voter, il faut la sécurité et la stabilité, et cela prendra du temps. Il faut aussi un contrôle de l'ONU. De toute façon, le pays n'est pas stable, le Parlement à Bagdad est paralysé. Pourquoi voulez-vous que nous votions?"
Si les attentats à la voiture piégée sont moins nombreux et les fusillades plus rares depuis quelques semaines, les attaques contre les forces de l'ordre sont quotidiennes et les kidnappings, politiques ou crapuleux, terrorisent la population.
"Nous avons un ou deux attentats aux engins piégés contre nos patrouilles par jour", reconnaît le général Tourhane Youssef, chef-adjoint de la police. "Nous luttons contre les terroristes, nous en avons arrêté beaucoup. Ce sont souvent des adolescents, de 16 ou 17 ans. Ils sont difficiles à repérer".
Mais derrière ces justifications pour ne pas organiser le référendum se cachent des motivations plus politiques et moins avouables, accuse Babakir Sidiq Ahmed, membre kurde du Conseil provincial.
"Les Arabes, les Turkmènes et Bagdad n'en veulent pas parce que tout le monde connaît le résultat: les Kurdes sont majoritaires à Kirkouk. Si le vote est honnête, le rattachement au Kurdistan ne fait aucun doute", assure-t-il.
"Et la pression turque à la frontière, avec ses 100.000 hommes en position, va dans le même sens: empêcher le scrutin pour éviter le rattachement de Kirkouk et son pétrole à la région kurde", ajoute-t-il.
Pourtant le référendum "règlerait la situation, au bénéfice de tout le monde", plaide le maire de la ville, le kurde Abdulrahmane Zangara. "Mais je ne suis pas sûr que cela sera possible".
Dans la ville voisine d'Erbil, capitale de la région du Kurdistan, les autorités multiplient les déclarations apaisantes, assurant qu'en cas de rattachement de Kirkouk, les revenus pétroliers seront partagés avec le reste du pays.
"Kirkouk, ce n'est pas le pétrole", affirme Fouad Hussein, directeur de cabinet du président régional kurde Massoud Barzani. "C'est d'abord corriger l'injustice qui a été faite à des milliers de Kurdes déportés. On parle d'un Irak libre, de démocratie: c'est avant tout rendre à ces gens les droits qui leur ont été volés".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.