Lundi 20 juin 2022 à 16h38
Souleimaniyeh (Irak), 20 juin 2022 (AFP) — "Par force": Barham Hama Ali, un Kurde d'Irak, a raconté à l'AFP le départ avorté de l'avion qui devait, avec six autres migrants illégaux et sur décision du gouvernement britannique, le transférer de l'Angleterre vers le Rwanda le 14 juin.
Barham Hama Ali a 25 ans et vient de Sayyed Sadiq, dans la région autonome du Kurdistan irakien. Comme des milliers de migrants kurdes, syriens ou afghans, il a pris le chemin du Royaume-Uni au printemps.
"La situation économique est mauvaise et le chômage endémique" au Kurdistan d'Irak, raconte M. Ali dans un entretien téléphonique en kurde avec l'AFP depuis un centre de rétention proche de Londres.
Son espoir aussi: fuir "les attaques des forces étrangères", turques, qui visent, selon Ankara, les combattants kurdes turcs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le nord de l'Irak. Des civils sont parfois tués dans ces raids aériens.
Après être passé par la Turquie, il arrive en France, puis se rend au Royaume-Uni "en prenant beaucoup de risques". "J'ai dépensé environ 15.000 dollars (un peu plus de 14.000 euros, ndlr) pour mon voyage", dit-il.
Mais une fois arrivé, le 23 mai, les autorités britanniques l'emmènent "dans un camp". "J'y suis resté deux jours, après quoi ils nous ont (...) demandé de désigner un avocat pour parler de notre situation et de la question de l'asile avec lui", assure Barham Hama Ali.
Il dit avoir ensuite été transféré au centre de rétention des migrants de Colnbrook, près de l'aéroport londonien de Heathrow.
Le 3 juin, Barham Hama Ali dit avoir reçu "un billet pour le Rwanda". Sans le vouloir, il faisait partie du premier contingent de migrants illégaux que le gouvernement britannique de Boris Johnson comptait expulser vers ce pays d'Afrique de l'Est.
- Expulsions bloquées -
Arrive le 14 juin et l'avion est prêt à mettre le cap sur le Rwanda depuis une base militaire anglaise.
"Nous étions sept migrants, chacun de nous était escorté par quatre gardes. Ils nous ont mis dans l'avion par force", assure M. Ali. "Nous étions choqués".
"A part moi, il y avait un autre Kurde de Souleimaniyeh (au Kurdistan d'Irak, ndlr), deux Kurdes d'Iran, un Iranien, un Vietnamien et un Albanais", se remémore-t-il.
Or, une fois dans l'avion, "le voyage a été annulé et on nous a ramenés au camp", de Brook House, où il se trouve encore aujourd'hui.
Car, alors que l'avion spécialement affrété était prêt à décoller, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a bloqué les expulsions, laissant l'appareil cloué au sol.
Une semaine après sa mésaventure, Barham Hama Ali ignore quel va être son sort et "exige de rester en Grande-Bretagne".
"Nous avons demandé l'asile au Royaume-Uni parce que nos vies n'étaient pas sûres, et maintenant ils veulent nous transférer vers un pays déchiré par la guerre", se lamente-t-il.
"J'ai peur qu'ils finissent par décider de nous emmener au Rwanda. Cela signifie la mort pour nous", soupire-t-il.
La CEDH a estimé que la justice britannique devait examiner dans le détail la légalité du dispositif, ce qui est prévu en juillet, avant d'expulser des migrants.
Malgré la décision de la CEDH, le gouvernement britannique s'est dit déterminé à poursuivre la stratégie.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.