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Pannes ou pressions, le meurtre de Ghassemlou en 1989 toujours inexpliqué


Dimanche 12 juillet 2009 à 06h54

VIENNE, 12 juil 2009 (AFP) — Le meurtre à Vienne de l'opposant kurde Abdoul Rahman Ghassemlou et de deux de ses collaborateurs par un commando iranien il y a vingt ans le 13 juillet 1989, alors qu'ils étaient venus négocier la paix avec Téhéran, reste toujours inexpliqué.

Comment deux membres de ce commando ont-ils pu échapper aux autorités autrichiennes et se réfugier à l'ambassade d'Iran avant de disparaître du pays? Est-il vrai que l'actuel président iranien Mahmoud Ahmadinejad a participé à l'opération, comme l'affirment plusieurs témoignages? Des questions sans réponse vingt ans après les faits.

Ghassemlou, secrétaire-général du Parti démocratique du Kurdistan/Iran (PDKI), mouvement autonomiste interdit par Téhéran, participait à une troisième série de négociations secrètes avec l'Iran à Vienne depuis fin 1988. Le conflit meurtrier entre l'Irak et l'Iran (1980-88), où les Kurdes iraniens avaient pris le parti de Bagdad, avait pris fin quelques mois auparavant.

Téhéran a toujours nié une quelconque implication. Même quand la justice allemande, appelée à se prononcer sur l'assassinat du successeur de M. Ghassemlou, Sadegh Charafkandi, à Berlin en 1992, a conclu en 1997 que ce meurtre, comme celui de Vienne, avait été décidé au plus haut niveau de l'appareil d'Etat iranien.

"Il faudrait trouver des documents en Iran avec des signatures" prouvant que ce meurtre était commandité, espère la veuve de M. Ghassemlou, Hélène. Elle regrette cependant que "la peur ait réduit au silence" les éventuels témoins.

L'Autriche, elle, a expliqué par des pannes administratives la fuite de deux membres de la délégation iranienne, dont les premiers interrogatoires avaient pourtant éveillé les soupçons des enquêteurs.

Consignes pas répercutées, mandats d'arrêt retardés, qualification des faits erronée, concurrence entre services de police, autant de lacunes accumulées en cette fin juillet 1989.

Affirmant être un garde du corps de la délégation iranienne et s'être absenté avant les meurtres, un homme connu sous le nom d'Amir Mansour Borzorgian a pu se réfugier à l'ambassade d'Iran et en être exfiltré discrètement plusieurs mois plus tard.

Un "émissaire" iranien Mohamad Sahraroudi, blessé dans l'attaque et passant pour une victime, bénéficia même d'une protection policière jusqu'à l'aéroport de Vienne pour prendre son vol pour Téhéran le 22 juillet 1989. Les mandats d'arrêt contre tous ces suspects ne furent délivrés que bien plus tard.

"L'Autriche a cédé à des pressions pour préserver ses intérêts économiques", estime le député écologiste Peter Pilz, auteur d'un livre sur cette affaire et qui accuse des hauts fonctionnaires d'être intervenus sur demande iranienne.

L'ex-président iranien Abolhassan Bani Sadr, depuis son exil en France, avait affirmé en août 1991 que Téhéran faisait pression sur Vienne en raison d'une vente d'armes illégales lors du conflit irano-irakien.

Malgré des dizaines de questions parlementaires, la recherche des responsabilités côté autrichien n'a pas abouti. Un ex-enquêteur a été prié, par le ministère de l'Intérieur, de refuser tout interview sur le sujet. Même mutisme pour un ancien responsable du ministère de l'époque contacté par l'AFP.

On peut s'interroger aussi sur le peu de précautions de la délégation kurde lors de ce déplacement à Vienne. Une première rencontre avait eu lieu la veille des assassinats dans le même appartement luxueux, choisi par les Kurdes, sans protection policière ou propres renforts armés.

"Je pense que Ghassemlou estimait que (le président iranien de l'époque Hachemi) Rafsandjani était en position de faiblesse, et qu'il avait lui besoin de négocier", avance l'écrivain Chris Kutschera, spécialiste du Kurdistan.

"Ce qui cependant m'interpelle, c'est que Ghassemlou m'a souvent répété ce dicton cité par son père +quand tu vois un persan, sauve toi avant que sa langue de menteur ne te rattrape !+. Comment-a-t-il pu se laisser piéger?".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.