Lundi 20 juin 2022 à 12h01
Stockholm, 20 juin 2022 (AFP) — Alors que la Suède et la Finlande poursuivent leurs pourparlers lundi avec la Turquie sur leur adhésion à l'Otan, l'espoir d'une entrée rapide dans l'alliance semble de plus en plus s'éloigner en raison du blocage sur le dossier kurde.
Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg doit rencontrer lundi à Bruxelles des représentants turcs, suédois et finlandais, dans l'espoir de débloquer le dossier avant un sommet de l'alliance à Madrid la semaine prochaine.
"Je pense que c'est possible mais ce serait très difficile, cela demanderait aux deux camps de montrer une réelle volonté de faire quelques compromis", estime Paul Levin, directeur de l'Institut des études turques à l'université de Stockholm, dans un entretien à l'AFP.
Avant le blocage surprise turc le mois dernier, Stockholm et Helsinki - ainsi que la direction de l'Otan à Bruxelles - espéraient un processus rapide d'adhésion à l'alliance, avec l'espoir que l'unanimité nécessaire des 30 membres actuels soit affichée dès la réunion de Madrid.
Mais la Première ministre finlandaise Sanna Marin a reconnu la semaine dernière le risque de voir les choses être "gelées" si le litige ne se dénouait pas d'ici là.
"Si nous ne réglons pas ces questions avant Madrid, il y a un risque que la situation soit gelée. Nous ne savons pas pour combien de temps mais cela pourrait prendre un certain temps", a-t-elle affirmé lors d'une réunion des Premiers ministres nordiques.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a réclamé mercredi dernier "des mesures concrètes" des deux capitales nordiques, Ankara demandant des engagements écrits.
La Turquie accuse les deux pays - et principalement la Suède - de soutenir des groupes kurdes comme le PKK et l'YPG qu'elle considère comme terroristes.
Elle exige aussi la levée des blocages d'exportations d'armes décidés par les deux pays nordiques après son intervention militaire dans le nord de la Syrie en octobre 2019, le durcissement de la législation antiterroriste suédoise et l'extradition de plusieurs individus qu'elle considère comme terroristes.
La Suède a été un des premiers pays à classer le PKK comme organisation terroriste dès les années 1980. Mais comme de nombreux pays occidentaux, elle a exprimé son soutien aux YPG, alliés du PKK en Syrie qui ont combattu les jihadistes de l'Etat islamique au côté notamment des Etats-Unis.
Stockholm a déjà fait quelques gestes, en soulignant notamment que l'entrée dans l'Otan pourrait changer la position de son autorité chargée des exportations d'armes concernant la Turquie.
La Suède a aussi durci sa législation antiterroriste ces dernières années et un nouveau tour de vis doit entrer en vigueur le 1er juillet, a souligné la semaine dernière la Première ministre Magdalena Andersson.
- Une députée clé -
Mais avec son importante communauté kurde estimée à 100.000 personnes, "la Suède se démarque (...) en étant généralement plus favorable à la cause kurde", note M. Levin. "De ce point de vue là, la Turquie a peut-être raison de se focaliser sur la Suède", pointe l'universitaire.
"Il y a un réel conflit entre la vision de la Suède sur la question kurde et les exigences turques envers la Suède", abonde Li Bennich-Björkman, professeure en sciences politiques à l'université d'Uppsala.
Ce dilemme se manifeste de façon très visible dans le rôle joué ces dernières semaines par la députée suédoise d'origine irano-kurde Amineh Kakabaveh, opposée à toute concession au président Erdogan.
Du fait des équilibres très précaires au Parlement suédois, sa voix est essentielle pour assurer le soutien du gouvernement social-démocrate minoritaire de Mme Andersson.
A l'heure actuelle, "il n'y a guère quelqu'un de plus puissant dans la politique suédoise que Kakabaveh", souligne à l'AFP Elisabeth Braw, spécialiste des questions de défense suédoise à l'American Entreprise Institute.
La députée, qui avait déjà obtenu un accord en novembre dernier pour permettre l'élection de Mme Andersson, a menacé de ne pas soutenir le budget du gouvernement mercredi, en demandant une promesse claire d'embargo sur les exportations d'armes vers la Turquie.
Mais le rôle de cette députée, qui ne siège dans aucun groupe parlementaire, devrait s'amenuiser avec les congés du Parlement d'ici aux élections du 11 septembre, et sa très probable non réélection.
"Mais on perd plus de trois mois", souligne Mme Braw.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.