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Offensive turque en Syrie: combats meurtriers entre forces turques et kurdes


Mardi 23 janvier 2018 à 04h02

Afrine (Syrie), 23 jan 2018 (AFP) — Des combats meurtriers ont opposé lundi les forces turques aux combattants kurdes dans le nord de la Syrie, au troisième jour d'une offensive que le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est dit déterminé à poursuivre.

Baptisée "Rameau d'olivier", l'offensive lancée samedi par l'armée turque et menée avec des rebelles syriens pro-Ankara, vise à déloger la milice kurde syrienne des Unités de protection du peuple (YPG), considérée par Ankara comme "terroriste", de la région d'Afrine, frontalière de la Turquie.

Cette opération préoccupe plusieurs pays. Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni en soirée à l'appel de la France pour discuter de l'escalade en Syrie, pays ravagé par une guerre complexe depuis 2011.

Aucune condamnation ou appel à la fin de l'opération turque n'en est sorti, mais l'ambassadeur de France, François Delattre, a estimé, après la réunion à huis clos, que "l'appel à la retenue a été, je crois, largement partagé durant la discussion".

L'Union européenne s'est dite, elle, "extrêmement inquiète".

"Il n'y aura pas de marche arrière à Afrine", a lancé M. Erdogan, affirmant que l'offensive était menée en accord avec Moscou, allié du régime de Bachar al-Assad et acteur incontournable du conflit syrien dont s'est rapproché Ankara.

Dans la ville d'Afrine, à 18 km du front, des abris ont été établis dans les sous-sols des maisons et des files d'attente ont fait leur apparition devant les boulangeries, selon un journaliste collaborant avec l'AFP.

Au moins 54 combattants, dont 26 miliciens kurdes et 19 rebelles syriens pro-Ankara, ont été tués depuis le début de l'offensive, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui fait état de 22 civils tués.

L'armée turque a déploré lundi la mort d'un soldat, première victime turque dans l'offensive.

Dans la journée, des soldats turcs et des rebelles syriens pro-Ankara ont lancé un nouvel assaut contre les YPG depuis la ville d'Azaz, à une vingtaine de km à l'est d'Afrine, selon l'agence de presse étatique turque Anadolu.

Ils se sont emparés brièvement de la colline de Barsaya, avant que les YPG ne la reprennent, selon l'OSDH. Pendant quelques heures, des centaines de combattants rebelles avec des mitrailleuses lourdes juchées sur des pick-up blancs avaient pris position aux côtés des forces et des blindés turcs sur cette colline, selon un correspondant de l'AFP.

- Stocker nourriture et médicaments -

"Des combats féroces ont lieu à la frontière syro-turque", a déclaré à l'AFP un porte-parole des YPG à Afrine, Rezan Hedu.

Selon un correspondant de l'AFP du côté turc de la frontière, une dizaine de chars et entre 400 et 500 combattants turcs et arabes sont entrés en Syrie.

Dans la ville d'Afrine, les habitants faisaient des courses pour stocker de la nourriture et des médicaments, selon un journaliste collaborant avec l'AFP.

Des magasins ont rouvert leurs portes. Simand Abdellouh, 19 ans, est venu se ravitailler. "On a des réserves à la maison, mais c'est toujours mieux d'en avoir plus, car les routes sont coupées".

Face à la demande, Ali Sourani, propriétaire d'un petit supermarché, évoque "des pénuries de nourriture".

La Turquie, qui menaçait depuis des mois d'attaquer Afrine pour chasser les YPG, a lancé son opération après l'annonce par la coalition internationale antijihadistes emmenée par les Etats-Unis de la création d'une force frontalière forte de 30.000 hommes dans le nord syrien, avec notamment des combattants des YPG.

M. Erdogan avait ensuite affirmé que son pays agirait militairement pour "tuer dans l'oeuf" cette force.

La Turquie accuse les YPG d'être la branche en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984.

Mais les YPG sont aussi l'épine dorsale d'une alliance de combattants kurdes et arabes soutenue par Washington dans la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) en Syrie.

- 'Droit légitime' -

Depuis samedi, 170 cibles ont été détruites et 11 villages ont été capturés par les forces pro-Ankara, selon le Premier ministre turc Binali Yildirim.

Les YPG ont pour leur part multiplié les tirs de roquettes contre des villes frontalières turques, faisant au moins deux morts et une cinquantaine de blessés." Une personne a été tuée lundi dans la province de Hatay.

Les dirigeants turcs affirment que l'opération sera brève, mais les analystes soulignent que les YPG sont de redoutables combattants qui ont eu le temps de fortifier leurs positions après la multiplication des menaces turques.

Les Etats-Unis ont appelé Ankara à "faire preuve de retenue", mais le secrétaire d'Etat Rex Tillerson a reconnu "le droit légitime de la Turquie" à se "protéger".

Selon des responsables kurdes, l'envoyé spécial américain auprès de la coalition internationale antijihadistes, Brett McGurk, se trouve depuis deux jours à Kobané, un autre canton kurde du nord syrien.

Il s'agit de la deuxième offensive turque dans le nord syrien, après celle lancée en août 2016 pour repousser l'EI, mais aussi enrayer l'expansion des combattants kurdes, à la faveur du chaos provoqué par la guerre en Syrie qui a fait plus de 340.000 morts depuis 2011.

L'opération turque s'accompagne d'un ferme contrôle en Turquie, où des protestations ont été interdites. 24 personnes soupçonnées d'avoir fait de la "propagande" en faveur des YPG sur les réseaux sociaux ont été interpellées, selon les autorités, tandis qu'Human Rights Watch faisait état de 30 arrestations.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.