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"Oeil pour oeil, dent pour dent": les Kurdes de retour à Khanaqine


Dimanche 28 septembre 2008 à 09h49

KHANAQINE (Irak), 28 sept 2008 (AFP) — "Oeil pour oeil, dent pour dent": plus de 30 ans après avoir été expulsé de sa maison de Khanaqin par la politique d'arabisation forcée de Saddam Hussein, le Kurde Mohammed Aziz est revenu et s'est vengé en s'installant dans la maison d'un Arabe.

Aziz n'avait que quatre ans en 1975, lorsque sa famille a été expulsée du village de Bawaplawi, près de cette ville de la province de Diyala, dans l'est de l'Irak, et que des nouveaux venus arabes ont pris leur maison.

"Nos maisons ont été prises par les Arabes sans qu'on nous ait versé aucune compensation", raconte ce professeur de mathématiques de 37 ans, dans la modeste maison de briques à un étage. "Nous sommes revenus et avons pris une des maisons vides. Les Arabes d'ici avaient fui".

La politique d'"arabisation" de Saddam Hussein entendait changer la démographie de Khanaqine, initialement peuplée d'une majorité de Kurdes chiites et de minorités arabe, turcomane et juive.

Mais après la chute du régime, à la suite de l'invasion américaine de mars 2003, les Kurdes sont revenus et les Arabes semblent avoir déserté l'endroit.

"90% des gens qui avaient été expulsés de Khanaqine sont revenus", affirme le maire de la ville, Mohammed Mala Hassan, 52 ans. "Je veux que les autres reviennent aussi, mais je n'ai pas d'argent pour leur fournir les services de base".

Les Kurdes comme Aziz se sont emparés de la terre abandonnée précipitamment par les Arabes, "sans soutien des autorités", affirme-t-il. Pour Aziz, une juste punition, et une justice qui arrive enfin, 30 ans après.

"Ce qu'ils avaient fait était injuste. Nous avons nous aussi pris des maisons vides, mais seulement parce que nos maisons avaient été prises de la même manière en 1975", justifie-t-il.

Dans sa nouvelle habitation trône le drapeau rouge, blanc et vert des peshmergas, les combattants kurdes. La plupart des maisons du village sont des huttes de torchis, seules quelques unes sont faites de briques.

Khanaqine, proche de la frontière iranienne, a émergé sur le devant de la scène en raison de ses ressources pétrolières encore inexploitées et de sa proximité avec le gouvernement régional kurde (KRG) installé plus au nord.

Le maire de la ville voudrait voir sa région, qui compte quelque 175 villages, rattachée au Kurdistan, et non plus à la très instable province de Diyala, peuplée en majorité d'Arabes sunnites.

Le professeur de mathématique Aziz raconte qu'il a été forcé d'enseigner cette matière dans une école de la province de Babylone, en majorité chiite, où le régime de Saddam Hussein les avait contraints à s'installer.

"Je suis content d'être de retour car je peux élever mes trois enfants en kurde", dit-il en désignant deux garçons âgés de 7 et 10 ans et une petite fille d'un an. "Et je suis content de revoir ma terre".

Les Kurdes n'ont pas mis longtemps à défaire ce que Saddam avait fait. Cela a avivé les tensions avec le gouvernement central de Bagdad. Tensions qui se sont focalisées sur la présence des peshmergas dans la région.

Les combattants kurdes se targuent d'avoir restauré la sécurité à Khanaqine, et d'avoir repoussé Al-Qaïda aux zones de peuplement arabe de Diyala.

Khanaqine, qui compte entre 200 et 250.000 habitants, est l'une des 40 villes et régions irakiennes tourmentées par les tensions communautaires qui sont réapparues après l'invasion américaine.

Les enjeux ont été démultipliés à Khanaqine par la flambée des prix du pétrole, mais aussi la fertilité de sa terre, qui avait permis le développement d'une agriculture florissante au début des années 1970, lorsque la ville était connue pour ses tomates et grenades.

Aziz y voit de son côté un avenir meilleur pour ses enfants, et estime que les évènements de ces cinq dernières années renforcent la vocation de Khanaqine à faire partie du Kurdistan. "C'est également ce que mes ancêtres voulaient".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.