Lundi 2 avril 2012 à 15h43
BAGDAD, 2 avr 2012 (AFP) — L'Irak a accusé lundi sa région autonome kurde de se livrer à la contrebande de pétrole, un nouveau grief qui vient attiser le conflit déjà vif les opposant sur une série de sujets territoriaux, pétroliers et politiques.
Le ton ne cesse de monter depuis quelques semaines entre le Kurdistan, doté d'une large autonomie et de ses propres institutions, et le gouvernement central de Bagdad.
Les points de contentieux sont anciens et nombreux, notamment les problèmes de souveraineté sur des zones entières du pays, mais deux sujets apparaissent actuellement particulièrement sensibles: le pétrole, et le sort du vice-président Tarek al-Hachémi, recherché par la justice irakienne mais qui bénéficie de la protection des autorités kurdes. M. Hachémi se trouve à présent au Qatar et Bagdad réclame son extradition.
Le vice-Premier ministre irakien Hussein Chahristani a accusé lundi le Kurdistan de vendre son pétrole en contrebande via la frontière iranienne, privant ainsi l'Irak et ses citoyens de milliards de dollars de recettes pétrolières.
"Le Kurdistan n'a pas de raffineries et donc la plus grande partie (du pétrole) est vendue frauduleusement hors d'Irak, en particulier via la frontière iranienne", a-t-il dit lors d'une conférence de presse.
Selon le ministre du Pétrole, Abdel Karim al-Luaybi, le pétrole transite en fraude via l'Iran vers le Golfe, où il est vendu à des prix inférieurs à ceux du marché, ainsi que vers l'Afghanistan. Un haut responsable afghan a admis en octobre 2011 lors d'une visite à Bagdad que son pays achetait du pétrole kurde.
"Le montant total en valeur du pétrole qui n'a pas été exporté en 2011 est de 3,547 milliards de dollars et celui du pétrole qui n'a pas été remis par la région en 2010 est de 2,102 milliards de dollars", selon M. Chahristani.
"C'est une importante somme d'argent qui crée un déficit dans le budget si elle n'est pas versée. Le gouvernement doit examiner les procédures afin de protéger le patrimoine des Irakiens", a-t-il dit. "L'unité de l'Irak, sa souveraineté et son argent ne peuvent pas (faire l'objet) de compromis", a-t-il souligné.
Le Kurdistan réclame de son côté quelque 1,5 milliard de dollars d'arriérés de paiement au gouvernement et a indiqué dimanche avoir cessé ses exportations de pétrole en signe de protestation.
Bagdad et Erbil se disputent aussi au sujet de la major pétrolière américaine ExxonMobil qui veut s'implanter au Kurdistan. Même chose au sujet du groupe français Total qui envisage également d'y faire affaires.
M. Chahristani s'en est aussi pris lundi aux autorités kurdes qui ont assuré des mois durant leur protection au vice-président Hachémi, avant qu'il ne quitte la région dimanche pour le Qatar.
"Le fait que la région du Kurdistan lui ait permis de partir est considéré comme un clair défi à la loi et à la justice", a-t-il lancé. Quant à l'accueil que lui a réservé le Qatar, il est "inacceptable", a-t-il jugé.
M. Hachémi, un sunnite, est soupçonné par Bagdad d'avoir dirigé un groupe de tueurs mais dénonce une chasse à l'homme à visées politiques de la part du Premier ministre, le chiite Nouri al-Maliki.
"Il n'y a aucune décision de la justice irakienne à mon égard et cette demande contredit l'immunité dont je jouis conformément à l'article 93 de la Constitution", a pour sa part assuré l'intéressé.
Erbil et Bagdad s'opposent également sur la souveraineté d'une bande longue de 650 km, riche en hydrocarbures, à cheval sur quatre provinces et comprenant la ville multiethnique de Kirkouk.
Cet épineux dossier est considéré comme l'une des principales menaces pour la stabilité de l'Irak à terme, en particulier si le Kurdistan décidait de déclarer unilatéralement son indépendance.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.