Lundi 16 juin 2025 à 15h10
Lille, 16 juin 2025 (AFP) — Neuf hommes, afghans et kurdes, sont jugés jusqu'à vendredi pour leur rôle présumé de passeurs dans le naufrage d'une embarcation clandestine qui avait fait quatre morts et quatre disparus dans la Manche en décembre 2022.
Dix personnes étaient renvoyées devant la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) dans ce dossier, mais ils sont finalement huit dans le box des accusés. Un prévenu, absent et toujours sous le coup d'un mandat d'arrêt, est jugé par défaut. Le dixième, détenu en Belgique, sera jugé ultérieurement, a décidé le tribunal lundi.
Les prévenus âgés de 22 à 40 ans, sont accusés d'avoir fourni à des candidats à l'exil "un +small boat+ de faible qualité, surchargé et dépourvu de gilet de sauvetage pour l'ensemble des participants", a rappelé la présidente du tribunal.
La nuit du 13-14 décembre 2022, un canot, parti entre 1H00 et 1H30, transportant en majorité des migrants afghans, avait fait naufrage à quelques kilomètres des côtes anglaises.
Entre "43 et 47 personnes" avaient pris place sur l'embarcation clandestine, et "huit ont perdu la vie au large des côtes anglaises", a résumé la magistrate.
Parmi les personnes à bord, certaines sont repêchées in extremis "dans l'eau, conscientes, et transportées en urgence pour des soins médicaux". La préfecture maritime fait état de "39 migrants", originaires d'Afghanistan, Albanie, Inde, Sénégal, sauvés par les secours français et anglais, parmi lesquels "huit mineurs", a rappelé la magistrate.
"Quatre corps sans vie ont été retrouvées, quatre personnes ont également été portées disparues, leur corps n'a pas été retrouvé", a souligné la présidente. Seul un des morts a été identifié, un homme "venu d'Afghanistan".
Dans la salle, des écrans affichent une carte de la Manche localisant le naufrage. La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés.
- bruit de crevaison -
Sur le banc, les prévenus, chemises et vestes claires et grises, écoutent attentivement la lecture des faits, traduits par leurs interprètes en kurde et pachto, une des langues afghanes.
Selon les éléments de l'enquête, alors que les migrants gonflaient le bateau avant le départ, plusieurs ont entendu une détonation, synonyme selon eux de crevaison. Les passeurs leur ont dit de ne pas s'en faire, qu'il s'agissait du seul bateau disponible.
D'après les témoignages des rescapés, il n'y avait pas assez de gilets de sauvetage pour tout le monde et aucune des personnes décédées n'en portait un. La nuit du naufrage la température était glaciale, une mer très agitée à 10-11 degrés, avec selon les enquêteurs, des "risques d'hypothermie estimés à quatre minutes".
Après une ou deux heures de traversée, un boudin a commencé à se dégonfler et l'eau à entrer dans l'embarcation, jusqu'à atteindre les genoux des passagers. Paniqués, ils se sont mis debout pour faire signe à un bateau. Mais le fond du canot, peu solide, a ployé sous leur poids et celui de l'eau, et tous se sont retrouvés à l'eau.
Le mineur sénégalais qui pilotait le canot est, lui, inculpé dans une procédure au Royaume-Uni.
Les prévenus sont poursuivis pour "traite d'être humains", "homicide involontaire" par violation d'une obligation de sécurité, mise en danger d'autrui, ou aide au séjour irrégulier.
Certains sont soupçonnés d'avoir recruté des passeurs et assuré la logistique auprès des passagers, d'autres d'avoir géré l'organisation sur le camp de migrants de Loon-Plage (Nord).
Apparu en 2018, le phénomène des traversées de la Manche en petites embarcations clandestines est à l'origine de nombreux naufrages. Le plus meurtrier a coûté la vie à 27 personnes en novembre 2021.
Signe que le phénomène ne faiblit pas malgré d'importants déploiements policiers, plusieurs embarcations clandestines ont pris la mer depuis le littoral français à l'aube lundi, dont une transportant des dizaines de personnes venues d'Afrique, a constaté l'AFP.
Deux hommes ont été tués par balle, dont un Soudanais de 24 ans, et un autre très grièvement blessé lors de deux incidents distincts durant le week-end près d'un camp de migrants du Dunkerquois.
Depuis le début de l'année, au moins 15 migrants sont décédés dans la Manche, selon un décompte de l'AFP à partir de chiffres officiels. En 2024, 78 étaient morts ainsi, un record.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.