
Mardi 4 novembre 2025 à 16h24
Paris, 4 nov 2025 (AFP) — Poursuivis pour ne pas avoir porté secours à 27 migrants, morts dans la Manche en 2021, sept militaires verront leur dossier instruit avec celui des passeurs: la Cour de cassation a refusé de le confier à une juridiction militaire spécialisée.
Dans ce dossier, les magistrats de la Juridiction nationale de lutte contre le crime organisé (Junalco) ont mis en examen onze passeurs présumés pour homicides involontaires et aide au séjour irrégulier, ainsi que sept militaires français, pour non-assistance à personne en danger.
Ces derniers, cinq militaires du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage Gris-Nez et deux marins qui se trouvaient à bord du patrouilleur Le Flamant, demandaient le dépaysement du volet de l'enquête qui les concerne, pour le confier à un juge spécialisé dans les affaires militaires à Lille.
L'affaire est remontée jusqu'à la Cour de cassation, la plus haute juridiction française. Mardi, elle a rejeté les pourvois des militaires, confirmant une décision précédente de la cour d'appel de Paris.
Les militaires "restent donc mis en examen pour omission de porter secours", a précisé la Cour de cassation, quatre ans après le drame du 24 novembre 2021, l'un des pires jamais déplorés dans la Manche.
Le canot des victimes avait sombré au petit matin, emportant la vie de 27 passagers, majoritairement des Kurdes irakiens, âgés de 7 à 46 ans.
"Cette décision est un vrai soulagement, étant également rappelé le contexte de pressions diverses qui caractérise ce dossier. Il est essentiel que l'instruction reprenne son cours, maintenant que nous avons la certitude que les militaires pourront être poursuivis", ont déclaré à l'AFP Mes Matthieu Chirez, Thomas Ricard et Matthieu Delignon, avocats des dizaines de parties civiles, saluant une "véritable victoire".
- Revers pour le ministère public -
Dans le détail, la Cour de cassation a souligné que les infractions reprochées à tous les mis en examen sont "connexes" et doivent donc être confiées aux mêmes juges: "les passeurs sont poursuivis pour avoir involontairement causé la mort des migrants, auxquels les militaires n'ont pas porté secours".
De plus, la Junalco est "rattachée au tribunal judiciaire de Paris", l'un de ceux qui sont compétents en France pour enquêter et juger en matière militaire, a poursuivi la plus haute juridiction française.
Dans ce dossier, les parties civiles estiment avoir "été proactives depuis le premier jour et de manière constante pour que la responsabilité des militaires puisse être recherchée". Elles interprétaient la demande des militaires comme une façon de minimiser celle-ci, en cherchant à ne pas être associés aux passeurs présumés.
Selon l'enquête, ces derniers, dont le réseau semblait organisé en deux branches, afghane et irakienne, aurait fixé le montant de la traversée à 3.200 euros par personne. Pour ce prix, les migrants ont embarqué dans un canot "surchargé", sans "gilets de sauvetage suffisants" ni "aucun moyen de signalisation et de localisation", "totalement inadapté à une traversée de la Manche", selon une expertise.
Les militaires sont suspectés de n'avoir engagé aucun secours efficace, alors que les migrants avaient été localisés à 1,1 kilomètre des eaux britanniques et avaient demandé de l'aide pendant plusieurs dizaines de minutes.
"Au-delà de cette décision surprenante en droit, notre client réaffirme être étranger à toute infraction et confiant dans l'issue de cette procédure", ont réagi mardi auprès de l'AFP Mes Sébastien Schapira et Stanislas Lequette, avocats de l'un des personnels du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) mis en examen.
La décision de la Cour de cassation est aussi un revers pour le ministère public, qui avait abondé mi-septembre à l'audience dans le sens des militaires.
"Le militaire répond dans son action à des règles d'engagement et des exigences opérationnelles", qui expliquent que la loi ait confié ces affaires à un juge spécialisé, avait souligné devant la chambre criminelle l'avocat général Xavier Tarabeux.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.