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Massacre lors d'une cérémonie de mariage chez les Kurdes: 44 morts


Mardi 5 mai 2009 à 18h36

BILGE (Turquie), 5 mai 2009 (AFP) — Des hommes masqués ont fait irruption lors d'une cérémonie de mariage dans un village kurde reculé du sud-est de la Turquie, tuant 44 personnes au fusil d'assaut, pour la plupart des femmes et des enfants, ont annoncé mardi les autorités.

Huit hommes ont été arrêtés à la suite de ce carnage dans le village de Bilge, situé dans la province de Mardin, qui serait la conséquence d'une rivalité entre familles, a indiqué le ministre de l'Intérieur Besir Atalay.

Le massacre a provoqué la consternation en Turquie et relancé le débat sur la politique qui consiste à enrôler des civils comme "Gardiens de village", pour aider l'armée contre les rebelles kurdes.

Quatre homme masqués sont entrés dans le village, lundi soir, juste après qu'un religieux musulman eut terminé la cérémonie de mariage. Ils ont ouvert le feu sur la foule, ont expliqué des témoins à l'AFP.

Les assaillants ont traîné des femmes et des enfants dans une pièce et les ont arrosés de balles, a expliqué une femme de 19 ans à un responsable local.

Puis ils ont pris la fuite à la faveur de la nuit et d'une tempête de sable qui s'était levée, dans cette région proche de la frontière syrienne.

Mardi, des pelles mécaniques sont entrées en action pour creuser les tombes, à l'écart du village.

Vingt-quatre corps avaient été enterrés dans la soirée, après avoir été examinés à l'hôpital de Mardin, la grande ville proche. Des dizaines de parents et de proches priaient et se lamentaient, devant le village bouclé par la gendarmerie.

"C'est le drame le plus sanglant lié à une question d'honneur dont j'aie jamais entendu parler", a déclaré Mazhar Bagli, chercheur à l'université proche de Diyarbakir.

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que six enfants, 17 femmes et 21 hommes avaient été tués. Trois autres villageois ont été blessés, a-t-il dit.

Les deux fiancés, les parents du jeune homme et sa soeur de quatre ans, et l'imam du village ont tous été tués, selon les autorités.

Le ministre de l'Intérieur a affirmé que ce drame n'a aucun lien avec le terrorisme - faisant allusion à la rébellion armée kurde dans la région - et qu'il semblait lié à une vieille rivalité entre villageois.

"Selon les premières constatations, cette attaque est le résultat d'une haine entre familles", a déclaré le ministre à la presse.

Les huit hommes arrêtés appartiennent à la même famille, a-t-il ajouté.

Les rivalités sanglantes sont courantes dans les régions kurdes de Turquie, où perdurent des traditions moyenâgeuses. Des coups de feu sont échangés lors de disputes pour des terres, des dettes impayées, ou des accusations d'enlèvements de jeunes filles.

Le président Abdullah Gül a qualifié ce massacre d'acte "primitif... d'une cruauté impossible à décrire."

Les villageois de Bilge donnaient mardi différentes explications au drame.

Cemil Gur a ainsi affirmé à l'AFP qu'il y avait une dispute "depuis deux ans" entre deux familles concernant des enclos destinés à l'élevage de truites.

"On n'aurait jamais pensé que les choses iraient aussi loin", a-t-il déclaré.

L'agence Anatolie cite pour sa part des habitants qui affirment que la dispute entre les deux familles durait depuis 20 ans.

Des responsables politiques kurdes mettent quant à eux en cause le système des Gardiens de villages.

Environ 58.000 Kurdes ont été armés par le gouvernement pour aider les forces de sécurité à combattre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en lutte contre le régime turc depuis 1984.

De nombreux hommes de Bilge, un village de 300 habitants, sont membres de cette milice, et selon plusieurs habitants, les auteurs du massacre en font partie ou en sont proches.

L'abandon du système des Gardiens de villages a souvent été réclamé. Selon des statistiques officielles, des centaines de ces miliciens ont été impliqués dans des affaires de drogue et autres crimes.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.