Page Précédente

Marilyn, une adolescente suédoise dans le fief de l'Etat islamique


Samedi 27 février 2016 à 06h50

Stockholm, 27 fév 2016 (AFP) — Eprise et candide, Marilyn ne s'est pas posé de question quand Moktar lui a parlé de rejoindre le groupe Etat islamique. Ce n'est qu'à Mossoul, fief irakien des jihadistes, que l'adolescente suédoise a pris conscience de la menace.

Originaire de Mark, une commune rurale du sud-ouest de la Suède, Marilyn Nevalainen, 15 ans, a été secourue le 17 février par les forces kurdes à Mossoul, la deuxième ville d'Irak, contrôlée par le groupe EI depuis juin 2014.

Elle est arrivée jeudi 25 février en Suède avec ses parents, qui faisaient la navette depuis près de huit mois entre Stockholm et Bagdad dans l'espoir de ramener leur fille à la maison.

Le Conseil de sécurité de la région autonome du Kurdistan (KRSC) avait annoncé mardi sa libération par les forces kurdes du contre-terrorisme, fruit selon une porte-parole de la diplomatie suédoise d'"une collaboration entre les autorités suédoises et des gouvernements étrangers".

Dans un entretien à la chaîne de télévision Kurdistan 24 réalisé avant son retour en Suède à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, Marilyn Nevalainen raconte sa triste équipée vers la Syrie, puis l'Irak, fin mai 2015 avec son petit ami musulman radicalisé alors qu'elle était enceinte.

"Quand je l'ai rencontré en 2014, nous étions bien ensemble. Mais après il a commencé à regarder des vidéos de l'EI et il a commencé à parler d'eux. Moi je ne connaissais rien à l'islam ou à l'EI".

En chemisier à fleurs et jean bleu, ses cheveux châtains noués dans le dos, elle s'exprime dans un anglais rudimentaire sans se départir d'un sourire dont on ne sait s'il traduit son soulagement ou sa légèreté d'esprit.

En Syrie, des combattants de l'EI les prennent en charge et les conduisent en Irak en autocar. A Mossoul, ville en guerre que l'armée tente actuellement de reconquérir, la jeune provinciale déchante.

- 'Je vais mourir dans une explosion' -

"Dans ma maison il n'y avait rien, ni eau, ni électricité. Je n'avais pas d'argent non plus. Tout était très différent de ce que j'avais vécu en Suède parce qu'en Suède on a tout (...). La vie était très dure", confie l'adolescente aux yeux cernés.

"Dès que j'ai eu un téléphone", poursuit-elle, "j'ai contacté ma mère pour lui dire que je voulais rentrer. Elle a contacté les autorités suédoises et les autorités suédoises ont contacté"... L'enregistrement de l'entretien est alors coupé.

Puis elle lit un texte: "Je veux remercier le Conseil de sécurité de l'administration du Kurdistan de me rapatrier en Suède pour retrouver ma famille et avoir une vie heureuse". Et la jeune fille rit aux éclats.

La presse suédoise a publié des SMS désespérés qu'elle envoyait pendant sa réclusion irakienne. "Je vais mourir dans une explosion ou on va me tuer ou je vais me suicider maman, vraiment".

Selon la presse suédoise, l'adolescente a donné naissance à un garçon en Irak. La mère et l'enfant sont revenus ensemble en Suède.

Son petit ami, Moktar Mohamed Ahmed, était un Marocain arrivé seul en Suède en août 2013 à l'âge de 17 ans, a indiqué à l'AFP Ulf Hoffmann, un policier qui enquêtait sur son implication dans un cambriolage.

Le jeune homme est aujourd'hui décédé, a-t-il ajouté sans préciser les circonstances de sa mort.

Le cheveu noir, le regard sombre et profond, il porte une épaisse mais courte barbe, finement taillée, il apparaît dans une vidéo diffusée sur internet, non datée et non authentifiée.

Moktar Mohamed Ahmed décline son identité et son âge (né le 8 juillet 1996), avant de s'en prendre en suédois aux "racistes" qui l'ont, selon lui, "poussé à s'évader" de Suède. Il passe sous silence le fait qu'au moment de sa fuite, ce petit délinquant est aux abois, visé par un mandat d'arrêt international.

"Elle va bien, elle a tout ce qu'il faut, vous pouvez l'oublier, elle ne reviendra jamais dans votre pays de kouffar (non croyants, ndlr)", dit-il à propos de Marilyn, qu'il appelle son "épouse". "La lutte ne fait que commencer", conclut-il en anglais.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.