Mardi 9 mai 2006 à 06h11
MONT QANDIL (Irak), 9 mai 2006 (AFP) — Il y a trois mois, Shilan, 18 ans, s'est enfuie de chez ses parents en Iran, pour rejoindre les camps du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), dans les montagnes du nord de l'Irak et réaliser son rêve d'émancipation en tant que femme.
"Je ne veux plus être soumise. En Iran, on ne peut pas parler librement, une femme ne peut pas sortir seule dans la rue, on ne peut pas écouter de musique", témoigne Shilan, repoussant une longue mèche de cheveux bruns de son visage.
"J'aime la vie militaire, mais je ne suis pas ici pour me faire plaisir, je combats pour le Kurdistan", assure la jeune fille kurde, qui porte une Kalachnikov en bandoulière et a revêtu la veste, le pantalon gris bouffant et les tennis jaunes des combattants du PKK.
Shilan a découvert le parti séparatiste kurde à travers des tracts et des documents fournis par un voisin, dans la ville iranienne de Meriwan. Elle y a tout de suite vu une occasion unique d'échapper à une future vie de femme cloîtrée, dans une société iranienne rigide et ultra-conservatrice.
Pourtant, rejoindre le PKK, qui lutte par les armes depuis plus de 20 ans pour l'avènement d'un état indépendant et socialiste dans les zones kurdes de Turquie, d'Irak, d'Iran et de Syrie, ne va pas sans de sérieuses restrictions.
Les relations sexuelles et la consommation d'alcool sont ainsi strictement interdites entre les membres du PKK, qui doivent couper les ponts avec le monde extérieur.
"Nous avons épousé notre cause. C'est vrai que c'est très difficile à comprendre pour un étranger, mais nous ne sommes ici que pour combattre", commente Qasim Engin, un vétéran venu du sud-est anatolien.
"Ceux qui ne peuvent pas vivre comme cela rentrent chez eux", assène Engin, qui a derrière lui 18 années de campagne contre les Turcs, les Iraniens, les Arabes, parfois aussi d'autres groupes kurdes.
Les montagnes enveloppées de brume du Kurdistan irakien abritent un nombre inconnu de camps du PKK, à la frontière entre l'Irak, la Turquie et l'Iran.
Près de 5.000 combattants du PKK, qualifié d'organisation terroriste par les Etats-Unis et l'Union européenne, y ont trouvé refuge, selon Ankara, qui a massé des troupes à sa frontière pour empêcher toute incursion.
Les combats entre les forces de sécurité et le PKK ont fait plus de 37.000 morts depuis 1984.
Ces dernières semaines, les positions du groupe séparatiste kurde ont aussi fait l'objet de bombardements d'artillerie iraniens, tuant trois rebelles.
En dépit de ce contexte tendu, les hommes et les femmes du PKK prennent le temps de se détendre autour d'un match de volley, entre deux conférences politiques et lectures d'ouvrages de leur chef historique, Abdullah Öcalan, arrêté en 1999 et condamné à la prison à vie en Turquie.
"Notre journée commence à 04H45, avec une séance de sport, puis nous prenons le petit-déjeuner, nous avons des cours politiques, nous déjeunons, nous avons encore d'autres cours, nous lisons des ouvrages politiques et écoutons les nouvelles à la radio", raconte Dilbirin, un adolescent récemment recruté qui attend encore de débuter sa formation militaire.
"Quand notre révolution l'aura emporté, je pourrai commencer à penser aux filles. En attendant, je me concentre sur la cause", explique-t-il.
Un tel dévouement suscite l'admiration de nombreux Kurdes de la région. Pourtant, d'autres voix s'élèvent pour dénoncer un embrigadement totalitaire.
"J'ai passé six mois dans les rangs du PKK quand j'avais 17 ans, avant de m'échapper une nuit en 1999. Je ne regrette pas cette expérience, mais ils voulaient me laver le cerveau, façonner ma personnalité selon leurs désirs", juge Bawar, qui préfère ne pas donner son nom et vit aujourd'hui à Souleimaniyah, dans le Kurdistan irakien.
"Je n'ai jamais supporté l'idée de couper les liens avec ma famille et quand j'ai dit que je voulais quitter le mouvement, on m'a accusé d'être un espion. Je me suis enfui car je craignais pour ma vie", se souvient-il.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.