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Malgré une autopsie, le mystère de la mort de l'ex-président turc Ozal demeure


Mercredi 12 decembre 2012 à 18h03

ANKARA, 12 déc 2012 (AFP) — Cause naturelle ou empoisonnement ? Près de vingt ans après sa mort, l'autopsie réalisée sur la dépouille du président turc Turgut Özal n'est pas parvenue à éclaircir les circonstances de sa disparition, ni à faire taire ceux qui jurent que celui qui rêvait d'une paix avec les rebelles kurdes a été assassiné.

Publiés mercredi dans la presse turque, les résultats des examens effectués par l'institut de médecine légale d'Ankara sur le corps de l'ancien chef de l'Etat, décédé en 1993 et exhumé en octobre dernier, sont tout sauf catégoriques.

"Des substances toxiques ont été détectées, mais les experts n'ont pu déterminer si le décès est dû à un empoisonnement", a résumé la chaîne d'information télévisée privée NTV, citant des sources proches de l'enquête.

En clair, ainsi que le laissaient suggérer les fuites des dernières semaines, les experts ont bien mis en évidence dans leur rapport la présence de plusieurs substances toxiques, notamment des insecticides et des pesticides, mais en quantités insuffisantes selon eux pour avoir provoqué la mort de Turgut Özal.

"Ces poisons sont présents en une quantité qui peut être décelée dans n'importe quel autre corps humain", a ainsi souligné un responsable turc qui a lu le rapport d'autopsie, cité par le quotidien Hürriyet.

D'autres organes de presse avancent l'hypothèse d'une contamination "naturelle" du cadavre du défunt par des substances toxiques présentes dans la terre. La chaîne de télévision privée CNN-Türk a même fait état de divergences entre spécialistes et assuré que certains avaient refusé d'endosser les conclusions du rapport.

Bref, rien qui ne permette d'apporter un début de réponse aux nombreuses questions soulevées par la mort de l'ancien chef de l'Etat turc.

Aucun des résultats du document de 360 pages remis à la justice n'a été officiellement confirmé mercredi. Mais le parquet d'Ankara a promis une déclaration au sujet de son contenu "au plus tard jeudi".

- Suspicions -

Turgut Ozal est mort en avril 1993 à l'âge de 65 ans, officiellement d'un arrêt cardiaque. Rien d'étonnant pour un homme dont la silhouette ronde trahissait un surpoids évident et qui avait subi un triple pontage coronarien en 1987.

Mais, comme c'est le cas pour le chef historique des Palestiniens Yasser Arafat, certains de ses proches rejettent le scénario d'une mort naturelle. A commencer par son fils Ahmet, qui est persuadé que l'ex-chef de l'Etat a été empoisonné.

Lorsqu'il est élu par le Parlement à la tête de l'Etat turc en 1989, Turgut Özal a dirigé pendant six ans le gouvernement et, à ce titre, assuré la transition avec les généraux qui ont pris le pouvoir lors du coup d'Etat de 1980. D'origine kurde, il a disparu tandis qu'il tentait de négocier la paix avec les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en conflit armé avec Ankara depuis 1984.

Autant de raisons qui, selon Ahmet Özal, accréditent la thèse d'un assassinat par la nébuleuse militaire turque, communément désignée sous le nom d'"Etat profond". "Personne ne peut croire que Turgut Özal n'a pas été empoisonné", répète-t-il depuis des années à longueur d'interviews.

Pour tenter d'y voir plus clair, l'actuel président Abdullah Gül a donc ordonné une enquête officielle, qui a mis en exergue les "circonstances suspectes" du décès de son prédécesseur et recommandé son exhumation.

Tels que révélés par la presse, ses résultats n'ont satisfait personne et relancé toutes les suspicions. "Ce rapport ne lève pas les soupçons. En tout cas les miens persistent", a confié le vice-Premier ministre Bekir Bozdag. "Je suis encore plus persuadé qu'avant qu'il a été assassiné", a renchéri le député du Parti de la paix et de la démocratie (BDP, pro-kurde) Altan Tan.

Prudent, le vice-Premier ministre Bülent Arinç a préféré ajourner tout commentaire officiel du gouvernement sur cette affaire. "Il n'est pas sage d'en rajouter", a-t-il estimé, mais "je veux croire que ce qui s'est passé sera clair une fois que ce rapport médico-légal aura été publié".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.