Mercredi 12 decembre 2012 à 14h33
ANKARA, 12 déc 2012 (AFP) — Cause naturelle ou empoisonnement ? Près de trente ans après sa mort, l'autopsie réalisée sur la dépouille du président turc Turgut Özal n'est pas parvenue à éclaircir les circonstances de sa disparition, ni à faire taire ceux qui jurent que celui qui a succédé aux militaires et rêvait d'une paix avec les rebelles kurdes a été éliminé.
Publiés mercredi dans la presse turque, les résultats des examens réalisés par l'institut de médecine légale d'Ankara sur le corps de l'ancien chef de l'Etat, décédé en 1993 et exhumé en octobre dernier, sont tout sauf catégoriques.
"Des substances toxiques ont été détectées, mais les experts n'ont pu conclure si la raison du décès est due à un empoisonnement", a résumé la chaîne d'information télévisée privée NTV, citant des sources proches de l'enquête.
En clair, ainsi que le laissaient suggérer les fuites des dernières semaines, les experts ont bien mis en évidence dans leur rapport la présence de plusieurs substances toxiques, notamment des insecticides et des pesticides, mais en quantités insuffisantes selon eux pour avoir provoqué la mort de Turgut Özal.
"Ces poisons sont présents en une quantité qui peut être décelée dans n'importe lequel autre corps humain", a ainsi souligné un responsable turc qui a lu le rapport d'autopsie, cité par le quotidien Hürriyet.
D'autres organes de presse avancent la piste d'une contamination "naturelle" du cadavre du défunt par des substances toxiques présentes dans la terre dans laquelle il a été inhumé. La chaîne de télévision privée CNN-Türk a même fait état de divergences entre spécialistes et assure que certains d'entre eux ont refusé d'endosser les conclusions du rapport.
Bref, rien de déterminant qui permette d'apporter un début de réponse aux nombreuses questions soulevées par la mort de l'ancien chef de l'Etat turc. Les "conclusions" de cette autopsie ont été remises mercredi à la justice.
Le parquet d'Ankara a indiqué qu'une déclaration sera faite à l'opinion publique "d'ici au plus tard jeudi" concernant le document médical de 360 pages, précise l'agence de presse Anatolie.
Turgut Ozal est mort en avril 1993 à l'âge de 65 ans, officiellement d'un arrêt cardiaque. Rien d'étonnant pour un homme dont la silhouette ronde trahissait un surpoids évident et qui avait subi un triple pontage coronarien en 1987.
Mais, comme c'est le cas pour le chef historique des Palestiniens Yasser Arafat, ses proches ont toujours refusé le scénario d'une mort naturelle. Son fils, en particulier, est persuadé que son père a été empoisonné.
Lorsqu'il est élu par le Parlement à la tête de l'Etat turc en 1989, Turgut Özal a dirigé pendant six le gouvernement et, à ce titre, assuré la transition avec les généraux qui ont pris le pouvoir en Turquie par le coup d'Etat de 1980. D'origine kurde, il a disparu tandis qu'il tentait de négocier la paix avec les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en conflit armé avec Ankara depuis 1984.
Autant de raisons qui, selon Ahmet Özal, accréditent la thèse de l'assassinat de son père par la nébuleuse militaire turque, communément désignée sous le nom "d'Etat profond". "Personne ne peut croire que Turgut Özal n'a pas été empoisonné", répète-t-il depuis des années à longueur d'interviews.
Pour tenter d'y voir plus clair, l'actuel président Abdullah Gül a ordonné une enquête officielle, qui a mis en exergue les "circonstances suspectes" du décès de son prédécesseur et recommandé son exhumation pour tenter enfin d'y voir plus clair.
Le rapport d'autopsie n'y suffira donc pas et risque de relancer les théories du complot.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.