Mercredi 12 decembre 2012 à 12h51
ANKARA, 12 déc 2012 (AFP) — Cause naturelle ou empoisonnement ? Près de trente ans après sa mort, l'autopsie réalisée sur la dépouille du président turc Turgut Özal n'est pas parvenue à éclaircir les circonstances de sa disparition, ni à faire taire ceux qui jurent que celui qui a succédé aux militaires et rêvait d'une paix avec les rebelles kurdes a été éliminé.
Publiés mercredi dans la presse turque, les résultats des examens conduits par l'institut de médecine légale d'Ankara sur le corps de l'ancien chef de l'Etat, décédé en 1993 et exhumé en octobre dernier, sont tout sauf catégoriques.
"Des substances toxiques ont été détectées mais les experts n'ont pu conclure si la raison du décès est due à un empoisonnement", a résumé la chaîne d'information privée NTV, citant des sources proches de l'enquête.
En clair, ainsi que le laissaient suggérer les fuites des dernières semaines, les experts ont bien mis en évidence dans leur rapport la présence de plusieurs substances toxiques, notamment des insecticides et des pesticides, mais en quantités insuffisantes selon eux pour avoir provoqué la mort de Turgut Özal.
"Ces poisons sont présents dans une quantité qui peut être décelée dans un quelconque autre corps humain", a ainsi souligné un responsable turc qui a lu le rapport d'autopsie, cité par le quotidien Hürriyet.
D'autres organes de presse avancent la piste d'une contamination "naturelle" du corps du défunt par des substances toxiques présentes dans la terre dans laquelle il a été inhumé. La chaîne de télévision privée CNN-Türk a même fait état de divergences entre spécialistes et assure que certains d'entre eux ont refusé d'endosser les conclusions du rapport.
Bref, rien de déterminant qui permette d'apporter un début de réponse aux nombreuses questions soulevées par la mort de l'ancien chef de l'Etat turc. Les "conclusions" de cette autopsie vont désormais être remises à la justice.
Turgut Ozal est mort en avril 1993 à l'âge de 65 ans, officiellement d'un arrêt cardiaque. Rien d'étonnant pour un homme dont la silhouette ronde trahissait un surpoids évident et qui avait subi un triple pontage cardiaque en 1987.
Mais, comme c'est le cas pour le chef historique des Palestiniens Yasser Arafat, ses proches ont toujours refusé le scénario d'une mort naturelle. Notamment son fils, persuadé que son père a été empoisonné.
Lorsqu'il est élu par le Parlement à la tête de l'Etat turc en 1989, Turgut Özal a dirigé pendant six le gouvernement et, à ce titre, assuré la transition avec les généraux qui ont pris le pouvoir en Turquie lors du coup d'Etat de 1980. D'origine kurde, il a disparu alors qu'il tentait de négocier la paix avec les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en conflit armé avec Ankara depuis 1984.
Autant de raisons qui, selon Ahmet Özal, accréditent la thèse de l'assassinat de son père par la nébuleuse militaire turque, communément désignée sous le nom "d'Etat profond". "Personne ne peut croire que Turgut Özal n'a pas été empoisonné", répète-t-il depuis des années à longueurs d'interviews.
Pour tenter d'y voir plus clair, l'actuel président Abdullah Gül a donc ordonné au printemps une enquête officielle, qui a pointé du doigt les "circonstances suspectes" du décès de son prédécesseur et recommandé son exhumation pour tenter enfin d'y voir plus clair.
Le rapport d'autopsie n'y suffira donc pas et risque de relancer les théories du complot. Avant même la publication de ses résultats, le successeur de Turgut Özal à la tête du pays, Suleyman Demirel, les a balayées d'un revers de main. "Je ne crois pas ceux qui affirment que Özal a été assassiné", a-t-il tranché.
Mais d'autres continuent à leur accorder du crédit. Notamment dans le camp du gouvernement islamo-conservateur, qui lutte depuis 2002 pour réduire l'influence de l'armée sur la vie politique. "Si ces informations sont vraies", a dit le mois dernier le vice-président du pari au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir, Huseyin Celik, "elles montrent la puissance des structures et des cliques qui ont agi au nom de l'Etat".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.