Mardi 26 juin 2007 à 08h36
ERBIL (Irak), 26 juin 2007 (AFP) — Les grues se multiplient dans le paysage, les complexes immobiliers et les centres commerciaux flambants neufs sortent de terre, les entreprises font même venir des ouvriers du Bangladesh ou du Népal: épargnée par la guerre qui ravage l'Irak, l'économie du Kurdistan explose.
"Bienvenue au Kurdistan, l'autre Irak", clame le gouvernement régional sur son site internet.
Située à 400 kilomètres au nord de Bagdad, la région est autonome depuis 1991. Le drapeau kurde rouge, blanc et vert, orné d'un soleil, flotte sur les bâtiments administratifs, le réseau de téléphone mobile n'est pas le même que dans le reste du pays et la sécurité des cinq millions d'habitants est assurée par des forces kurdes, les peshmergas.
"Ce n'était pas forcément chose aisée d'attirer les investisseurs car le Kurdistan fait partie d'un pays en guerre mais nous nous sommes focalisés sur un point: garantir la sécurité et la stabilité politique", explique Falah Mustafa Bakir, responsable des relations internationales au sein du gouvernement régional.
Au-dessus de son bureau, une photo représente côte à côte les anciens frères ennemis, Jalal Talabani et Massoud Barzani, qui se sont fait la guerre pour le contrôle de la région avant la chute de Saddam Hussein.
Le premier gérait la province de Souleimaniyah et le second celles d'Erbil et de Dohouk, jusqu'à ce qu'ils ne décident, voici un an, d'unifier leurs deux administrations, une stabilité qui crée un climat propice aux affaires.
Une des premières lois adoptées par ce nouveau gouvernement permet aux investisseurs étrangers de détenir la totalité du capital d'une entreprise, de rapatrier les bénéfices et les exempte de taxes pendant dix ans.
Autre avantage: l'aéroport d'Erbil est relié directement à Vienne, Dubaï ou Istanbul, et une nouvelle compagnie, Kurdistan Airlines, devrait lancer prochainement des liaisons avec Londres, Bruxelles, Amsterdam et Berlin.
Les touristes commencent à revenir et un projet de station de ski est à l'étude.
"Nous voulons copier des économies comme celle des Emirats et être un exemple de réussite pour l'Irak", souligne Nawzad Hadi Mawloud, gouverneur de la province d'Erbil, capitale de la région.
"Le Kurdistan va devenir l'alternative à Dubai", assure Hoshyar Nouri Abas, de la compagnie pétrolière turco-canadienne TTopco.
Sur les 5.000 entreprises enregistrées au Kurdistan, 600 sont étrangères, dont 75% turques.
"Il n'y a pas de lieu plus sûr au monde, la croissance économique est impressionnante et nous ne payons pas de taxes. Nous comptons continuer à nous développer ici", affirme Mohammed Tahir Brifkany, un Kurde engagé par le groupe turc de BTP Nursoy, pour diriger la filiale locale.
Nursoy, qui a construit notamment 700 appartements ultra-modernes à Erbil, emploie 1.200 personnes au Kurdistan, presque deux fois plus qu'en Turquie.
Piscine, tennis, caméras de surveillance, ce complexe est destiné aux nouveaux gagnants de la croissance kurde.
"Nous louons ces appartements de 230 mètres carrés 3.000 dollars par mois et nous les vendons 150.000 dollars. Des gens sont devenus riches ici", assure M. Brifkany.
Le salaire mensuel moyen n'en reste pas moins d'environ 400 dollars et la majorité des Kurdes, souvent obligés de cumuler deux emplois, subissent l'augmentation des prix de l'immobilier et des produits alimentaires, importés en quasi totalité, notamment de Turquie, car l'agriculture locale est à genoux.
Un constat minimisé par les autorités. "L'Irak de Saddam était socialiste et nous allons vers une économie de marché. On voit toujours des effets négatifs dans la phase de transition mais la population vit tout de même beaucoup mieux qu'avant", assure Aziz Ibrahim Abdo, directeur général au ministère du Commerce.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.