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Les Yazidis veulent affirmer leur identité et survivre aux turbulences


Samedi 14 octobre 2006 à 09h23

LALISH (Irak), 14 oct 2006 (AFP) — Prise entre l'intolérance des groupes extrémistes islamistes et les ambitions des kurdes, la minorité religieuse yazidie d'Irak veut affirmer son identité et survivre aux turbulences politiques dans ce pays ravagé par la violence.

Malgré l'insécurité, les Yazidis ont pu organiser leur plus grande fête annuelle, le pèlerinage au temple de Lalish, à une soixantaine de kilomètres de Mossoul, un des bastions de la rébellion sunnite dans le nord du pays.

Quelque 3.000 Yazidis venant du nord de l'Irak, de Turquie, d'Allemagne et de Géorgie ont participé à ce pèlerinage haut en couleur qui s'est achevé jeudi et a permis aux membres de cette minorité de se réunir et de renouer avec leurs traditions ancestrales.

Sous un soleil éclatant, de nombreuses familles ont pique-niqué ensemble après avoir visité à Lalish le tombeau du cheikh Adi ben Moussafir, pieux musulman du XIIe siècle et inspirateur du Yazidisme.

"Nous sommes venus d'abord pour le pèlerinage et pour rencontrer des amis et des proches", a déclaré Moustafa Danani, accompagné de sa femme et ses filles. "C'est un moment où nous avons le sentiment d'être une seule famille. Si des amis ont des problèmes, ils viennent ici pour les résoudre".

Selon la tradition, chaque Yazidi est tenu de se rendre à la tombe de cheikh Adi, principal sanctuaire qui attire chaque année de nombreux fidèles.

Le pèlerinage est aussi l'occasion pour les 500.000 Yazidis d'Irak d'affirmer leur identité et de faire entendre leur voix, alors qu'ils se sentent coincés entre les extrémistes sunnites qui veulent les déloger de leurs terres et les ambitions du gouvernement régional kurde qui veut s'approprier leur vote.

"Les Yazidis sentent qu'ils n'ont réellement pas d'amis", dit Marwan Khalil Mourad, ancien directeur de projet pour une organisation d'aide internationale, qui avait été victime de tirs et blessé à la frontière avec la Syrie.

"Les turcomans ont la Turquie, les sunnites s'identifient à plusieurs pays, les chiites aussi mais qui veut aider les Yazidis en cas de besoin? Je crois que les chrétiens le feront un jour", a-t-il dit.

Les Yazidis parlent kurde et bénéficient de la liberté de culte de la part du gouvernement autonome kurde au sein duquel ils ont deux ministres.

Plusieurs Yazidis vivent encore autour de Mossoul, et leur voix sont convoitées par les kurdes dans la perspective du référendum en 2007 qui va décider de l'avenir de certaines régions comme la ville multiethnique de Kirkouk, riche en pétrole que les kurdes revendiquent.

"Nous avons soumis des demandes au gouvernement autonome kurde et nous attendons qu'elles soient satisfaites", a dit Amir Tahsin Said Beg, principal dirigeant politique de cette communauté.

"Nous sommes kurdes et nous pouvons nous intégrer au sein du Kurdistan", a-t-il poursuivi, un avis qui n'est pas partagé par Marwan Khalil Mourad.

"Les kurdes ne mangent pas dans la même assiette que les Yazidis, comment peut-on être amis avec eux s'ils ne partagent pas le repas?" a-t-il demandé.

Dans le village de Lalish, où se trouvent les tombes des saints hommes du yazidisme, des membres de la communauté revêtus de leurs plus beaux habits ont défilé pendant les sept jours du pèlerinage.

"Quelques experts nous qualifient de musée des religions orientales", a remarqué Said Kheder Domle, journaliste travaillant pour le centre culturel Yazidi à Dohouk, près de la frontière turque. "C'est parce que vous retrouvez toutes les religions dans le yazidisme", a-t-il dit.

Les Yazidis vénèrent l'archange Malak Raus, appelé parfois Chaytan, ce qui pourrait leur avoir valu l'appellation "d'adorateurs du diable". Leur religion est marquée de syncrétisme.

Persécutés pendant des siècles, leur droit à pratiquer leur culte est reconnu dans la nouvelle constitution irakienne et ils sont représentés au parlement.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.