Jeudi 18 octobre 2007 à 11h36
ANKARA, 18 oct 2007 (AFP) — Le gouvernement turc semble peu pressé de partir en guerre contre les rebelles kurdes implantés en Irak au lendemain du du feu vert du parlement, préférant encore la diplomatie pour éviter une réprobation internationale, estimaient jeudi les observateurs.
Un texte permettant au gouvernement de Recep Tayyip Erdogan à entrer si nécessaire en Irak du nord pour frapper les bases du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a obtenu mercredi le soutien record de 507 députés (sur 550).
Le texte donne carte blanche pour un an au gouvernement en ce qui concerne la date et l'ampleur de l'opération, ainsi que le nombre d'incursions qu'il jugera nécessaire.
La Turquie a ainsi donné un message clair à Bagdad et à la région autonome du Kurdistan irakien que sa patience était à bout et qu'elle était décidée à intervenir contre les basses arrières rebelles établies dans la montagne irakienne, selon les journaux.
M. Erdogan a donné un gage à l'armée, de plus en plus impatiente à "nettoyer" les camps rebelles, et répondu en même temps aux attentes d'une opinion publique en émoi après la mort ces dernières semaines d'une trentaine de personnes dans des attaques attribuées au PKK.
Ankara accuse l'administration de Bagdad d'inaction contre le PKK dans le nord, où il a peu d'influence, et les Kurdes irakiens de soutenir les agissements des rebelles sur leur territoire.
Erdogan sort renforcé de ce vote, mais souhaite gagner du temps en franchissant une nouvelle étape dans la dissuasion avant de passer à la phase militaire, estiment les observateurs.
Il a "sincèrement" espéré mardi que la motion ne serait pas mise en oeuvre.
Un déclenchement des opérations avant sa visite à Washington pour rencontrer le président George W. Bush, prévue début novembre, est jugé peu crédible par les analystes et la presse.
M. Bush s'est fermement opposé mercredi à des opérations turques, indiquant qu'"il n'est pas l'intérêt de la Turquie d'envoyer des troupes en Irak" alors que les soldats américains ont le plus grand mal à assurer la sécurité dans ce pays qu'ils occupent depuis 2003.
Un porte-parole du Pentagone a relativisé, souhaitant que la partie turque "ne soit pas pressée" d'attaquer l'Irak.
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a également demandé à Ankara de chercher une solution "par le dialogue".
Entre-temps, les menaces d'Ankara pourraient commencer à donner des résultats.
Mercredi, le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, s'est dit "absolument déterminé à mettre un terme aux activités et à l'existence du PKK sur le territoire irakien", tout en indiquant vouloir envoyer une délégation à Ankara pour négocier avec les Turcs.
Le gouvernement du Kurdistan irakien a appelé de son côté jeudi Ankara à des négociations directes pour régler la question du PKK.
Dans un communiqué, le gouvernement régional kurde a assuré qu'il "ne cherche pas la guerre avec la Turquie", qui ne reconnaît qu'un seul interlocuteur en Irak: Bagdad.
Istanbul doit accueillir les 2 et 3 novembre une réunion des pays voisins de l'Irak, un forum international où la question doit inévitablement être évoquée, selon des diplomates turcs.
La Turquie a mené 24 incursions en Irak sous le régime de Saddam Hussein, certaines durant plusieurs semaines, avec plus de 30.000 hommes. Elles ont porté des coups sévères au rebelles du PKK, mais sans réussir à les déloger entièrement.
"La Turquie n'a pas d'autre choix que de mener une opération dans le nord de l'Irak", a estimé le général à la retraite Armagan Kuloglu, cité par le journal Vatan.
Cet analyste pense qu'un réaction américaine à une telle offensive sera limitée, car "les Américains ne souhaiteront pas éloigner un allié" - une allusion à l'aide logistique clé fournie par les Turcs pour approvisionner les troupes américaines en Irak.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.