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Les supplétifs syriens, fantassins de l'offensive turque en Syrie


Samedi 12 octobre 2019 à 14h45

Istanbul, 12 oct 2019 (AFP) — A la pointe de la lutte contre le régime au début de la révolte en Syrie avant de dépérir, rongée par les divisions et l'indiscipline, l'ancienne "Armée syrienne libre", reprise en main par la Turquie, lui sert d'infanterie dans son offensive contre les forces kurdes.

Les factions qui composaient cette coalition hétéroclite avaient commencé à perdre du terrain dès 2012 avec l'émergence de groupes jihadistes et faute de soutien, notamment financier.

Après avoir quasiment disparu du paysage pendant plusieurs années, l'Armée syrienne libre (ASL), dont certaines factions sont d'inspiration islamiste mais estampillées "modérées", refait parler d'elle en participant en août 2016, aux côtés de l'armée turque, à la première offensive d'Ankara dans le nord de la Syrie qui avait notamment permis d'expulser les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) de Jarablous.

Elle a ensuite participé en janvier 2018 à une deuxième offensive turque dans le nord de la Syrie pour déloger la milice kurde des YPG de la poche d'Afrine.

Mais les scènes montrant des membres de l'ASL posant avec le corps mutilé d'une combattante kurde près d'Afrine ou se livrant à des pillages dans la ville après sa prise n'ont rien fait pour arranger son image de soldatesque indisciplinée.

C'est sous la bannière de l'Armée nationale syrienne (ANS), nouvelle structure qui a remplacé l'ASL et relevant officiellement du "gouvernement" en exil de l'opposition syrienne basée en Turquie, que les combattants syriens participent à l'offensive lancée mercredi pour déloger les YPG d'une vaste bande de territoires dans le nord-est de la Syrie.

Considérées comme "terroriste" par Ankara en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), les YPG sont en revanche soutenues par les Occidentaux car elles leur ont servi de fer de lance dans la lutte contre l'EI.

"L'Armée nationale syrienne est la composante indigène de l'opération turque. C'est une importante force d'infanterie pour l'offensive", souligne Emre Kursat Kaya, expert au centre de réflexion Edam à Istanbul.

- "Rôle crucial" -

"Ce groupe est essentiellement composé de combattants arabes sunnites et de Turkmènes qui sont originaires de ces régions" dans le nord de la Syrie, ajoute-t-il. "Leur présence dans l'opération constitue une précieuse source de renseignement".

Début octobre, l'ANS a gonflé ses rangs pour disposer, au moins théoriquement, de quelque 80.000 hommes, en fusionnant avec le Front national de libération, une coalition de groupes armés actifs notamment dans la région d'Idleb.

Les membres de l'ANS sont équipés, entraînés et rémunérés par la Turquie.

"14.000 membres de l'ANS ont été mobilisés pour participer à l'opération. Ce chiffre peut évoluer à la hausse ou à la baisse en fonction du déroulement de la bataille", affirme à l'AFP le porte-parole de l'ANS, le major Youssef Hammoud.

Selon lui, "un grand nombre" de ces combattants est originaire de localités dans le nord-est de la Syrie d'où Ankara cherche à déloger les YPG, comme Tal Abyad et Ras-Aïn. "Ces soldats avaient été chassés de leurs villes et villages quand les YPG ont pris le contrôle de ces territoires".

Charles Lister, analyste au Middle East Institute, estime que la Turquie a déployé "environ 1.000 combattants" depuis le début de l'offensive, sur les axes de Tal Abyad et Ras al-Aïn.

"L'ANS semble pour le moment opérer sous l'étroit contrôle de l'armée turque et Ankara s'en sert comme une force de premier plan. Donc leur rôle semble crucial pour le moment", décrypte-t-il.

M. Kaya, l'analyste d'Edam, estime que les abus commis par des combattants syriens lors de l'opération d'Afrine ne devraient pas se reproduire lors de l'actuelle offensive.

"Il ne faut pas oublier que les commandos turcs sur le terrain vont superviser l'offensive et réagir à tout abus", souligne-t-il.

Dans un communiqué publié samedi, "l'état-major" de l'ANS a ordonné à tous ses commandants de "superviser en permanence les combattants sur le front pour empêcher toute violation ou abus".

Il a affirmé que les auteurs d'éventuels abus "s'exposeront aux sanctions les plus sévères et seront traduits devant la justice pour désobéissance militaire".

"L'objectif de cette bataille est d'expulser les gangs terroristes du PKK de nos terres, loin de toute volonté de vengeance", a assuré le commandement de l'ANS.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.