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Les routiers turcs prient qu'Ankara ne ferme pas sa frontière avec l'Irak


Mardi 6 novembre 2007 à 09h13

IBRAHIM AL-KHALIL (Irak), 6 nov 2007 (AFP) — Les chauffeurs de poids-lourds turcs, qui assurent la quasi intégralité de l'approvionnement du Kurdistan irakien, implorent leur pays de ne pas recourir aux sanctions économiques, assurant qu'ils seraient les premiers à en souffrir.

"Ce pourrait bien être la dernière fois je pénètre dans région kurde d'Irak", soupire Moustafa Oglo, 48 ans, qui attend au poste frontière de Ibrahim al-Khalil le déchargement de sa cargaison de bois. "Cela fait plus de dix ans que je fais cette route".

"Des centaines de sociétés turques comptent sur nous pour exporter leurs produits vers l'Irak. C'est un travail rentable, mais je ne sais pas ce qui se passerait si la Turquie décidait de fermer la frontière", dit-il.

Ankara a menacé le gouvernement autonome du Kurdistan irakien, doté d'un large degré d'autonomie, de sanctions économiques s'il ne prenait pas des mesures drastiques à l'encontre du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Plusieurs milliers de ses maquisards sont basés du coté irakien de la frontière d'où ils lancent des raids en Turquie.

Selon la presse turque, cela pourrait impliquer des restrictions dans le commerce avec le Kurdistan irakien et des coupures d'électricité.

Un autre chauffeur, Mourad Ibrahim, 33 ans, estime que "le commerce doit se poursuivre entre nos deux pays. Il serait fou pour la Turquie de sacrifier tous ses intérêts commerciaux au nom d'une crise avec le PKK qui a été exagérée".

"La Turquie doit penser à ses milliers de chauffeurs routiers. Que se passera-t-il si la frontière ferme ?" demande-t-il en désignant du doigt les douzaines de camions chargés de fer, de bois, de ciment, d'outils, de nourriture ou de pièces détachées qui l'entourent.

Un autre chauffeur, Toran Ali, 37 ans, ajoute: "Nous transportons tout ce que vous pouvez imaginer, de l'eau minérale aux voitures. Ce poste frontière est important pour nous car c'est le plus sûr. Même Bagdad préfère être approvisionnée par ici, parce qu'il y a moins de risques d'être attaqué ou volé".

Le poste-frontière d'Ibrahim al-Khalil est le principal point de passage entre la Turquie et le Kurdistan et les Kurdes le considèrent comme la porte sur le monde de leur province.

Selon un officier des douanes, qui demande à ne pas être identifié, "environ 700 camions entrent par ici chaque jour, transportant un tas de choses".

L'Irak est un marché très lucratif pour la Turquie et l'un des rares pays avec lesquels elle enregistre un excédent commercial.

Elle y a exporté pour 1,7 milliard de dollars pendant les huit premiers mois de l'année et 2,5 milliards en 2006, selon les chiffres officiels.

A Zakho, la première ville irakienne à 9 km de la frontière, les magasins sont pleins de produits turcs et les marques turques sont plus connues que leurs concurrentes internationales.

Les hôtels tournent à plein pour loger chaque nuit les chauffeurs turcs. De nombreux restaurants et hôtels ont fait traduire leurs enseignes et menus en turc.

Le directeur du commerce pour l'administration autonome kurde, Aziz Ibrahim, estime à 300 le nombre de sociétés turques en relation d'affaires avec sa région.

"Ils construisent routes et ponts", dit-il. "En cas de sanctions économiques contre notre région, ce serait une punition imposée à tout l'Irak, parce que les biens qui passent par ici sont à destination de tout le pays".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.