Page Précédente

Les rescapés d'Anfal s'impatientent pour le procès de Saddam Hussein


Jeudi 13 avril 2006 à 08h41

SOULAIMANIYAH (Irak), 13 avr 2006 (AFP) — "J'irai à Bagdad s'il le faut pour témoigner": Hassan Amine Hassan, 60 ans, ne cache pas son impatience de voir ceux qui ont tué une trentaine de membres de sa famille lors de la campagne de répression anti-kurde d'Anfal répondre de leur crime devant la justice.

"Le procès de Saddam Hussein, on le veut ici dans le Kurdistan, mais si ce n'est pas possible j'irai à Bagdad pour apporter mon témoignage", dit ce rescapé, qui affirme avoir perdu 35 membres de sa famille en 1988.

Le président irakien déchu et six autres anciens responsables ont été accusés le 4 avril par le Haut tribunal pénal irakien de génocide dans la campagne d'Anfal menée contre les Kurdes et qui a fait plus de 100.000 morts.

Pour M. Hassan et pour de nombreux Kurdes de la région Soulaimaniyah (à 330 km au nord de Bagdad) le procès doit se tenir vite. "Les preuves sont là. Ce n'est pas comme pour Doujaïl, il s'agit dans notre cas d'un crime contre l'humanité", dit son cousin Abdallah Hassan.

Depuis octobre, le président déchu et sept de ses coaccusés sont jugés pour la répression qui a coûté la vie à 148 habitants du village de Doujaïl, au nord de Bagdad, après un attentat manqué contre son convoi en 1982.

Selon diverses estimations, 100.000 personnes ont été tuées et plus de 5.000 villages détruits pendant la campagne d'Anfal, du nom d'une sourate du Coran signifiant "butin".

Menée entre février et septembre 1988 par l'armée de Saddam Hussein, en représailles à la prise de certains villes du Kurdistan irakien par des combattants kurdes (peshmergas), la campagne a provoqué un déplacement massif de la population kurde.

Guidam Mahdi Hamzab, âgé de 18 ans lorsque l'armée irakienne a attaqué son village, tuant d'après lui 86 habitants et provoquant la fuite des autres vers la frontière iranienne, le procès "ne réparera pas le malheur subi par notre peuple". "Quel que soit le verdict, je ne vois pas comment peut on réparer les mille et une plaies du peuple kurde", dit cet ancien peshmerga.

"Les séquelles de cette campagne de répression sont toujours là", ajoute M. Hamzab, qui affirme n'avoir toujours pas de nouvelles de plusieurs membres de sa famille, qui avaient fui à l'arrivée des soldats irakiens.

"Au Kurdistan, nous avons toujours le cauchemar d'Anfal", dit-il. "Les rescapés de cette guerre se réveillent en croyant que quelqu'un de leur famille est revenu".

Cet avis est partagé par Hassan Abdel Karim. "Malgré le grand traumatisme vécu par notre peuple, le Kurde garde l'espoir de retrouver un frère ou une soeur même à plusieurs années de la tragédie".

"Le peuple kurde veut que Saddam et ses co-accusés soient exécutés rapidement", dit ce sexagénaire, résumant un avis largement répandu en Irak.

"Si au fond, nous voulons tous son exécution, il faut tenir compte aujourd'hui de la loi internationale, que nous respectons", nuance Mohamad Saïd Abdel Karim, 50 ans, qui a perdu deux de ses frères dans cette répression.

Certains Kurdes comme Golshin Ali, une vieille dame du village de Swayssan, au nord-est de Soulaimaniyah, qui préfère ne pas révéler son âge, se réfugient dans la prière.

"Je prie sur les tombes de ma famille et des autres victimes de Saddam", dit cette femme, qui dit avoir perdu son époux et six de ses enfants.

Au mémorial des martyrs de Swayssan, reposent cinquante victimes, dont celles de sa famille, explique-t-elle, en les désignant par leur nom.

"Je prie, c'est ma seule consolation. Saddam, c'est Dieu qui s'en charge" dit-elle au journaliste de l'AFP qui l'interroge sur le prochain procès de l'ancien dictateur, dont la date n'a pas encore été fixée.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.