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Les rebelles accusent les Kurdes de s'étendre en faisant le jeu du régime


Vendredi 16 novembre 2012 à 12h35

DERIK (Syrie), 16 nov 2012 (AFP) — Des miliciens kurdes et des habitants ont conquis une nouvelle localité dans le nord-est de la Syrie, près de la frontière avec la Turquie, mais les rebelles les accusent de faire le jeu du régime qui les laisse agir à leur guise.

Des centaines de personnes se sont rassemblées mardi devant le quartier général des forces de sécurité à Derik, dernier bâtiment abandonné par l'armée et la police syriennes, écoutant de la musique kurde à pleins tubes et des discours en kurde, une langue officiellement interdite en Syrie.

"Nous avons essayé de dire aux troupes d'Assad de partir pacifiquement. Nous sommes des gens pacifiques", affirme Abdi Karim, 56 ans, officier dans le Comité de protection du peuple kurde (YPG), bras armé du Parti de l'Union démocratique kurde (PYD), la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (rebelles kurdes en Turquie).

Cette prise est intervenue quelques jours après la conquête de trois autres villes proches de la Turquie, par des habitants soutenus par la milice du PYD, mouvement kurde syrien face à qui les troupes pro-gouvernementales syriennes se sont retirées sans combattre.

Le nord et le nord-est de la Syrie abritent la plupart des deux millions de Kurdes du pays, dont les milices sont indépendantes et parfois hostiles à l'Armée syrienne libre (ASL), principale force d'opposition armée.

"Il y a des divergences entre les forces kurdes opposées au régime et l'opposition arabe, surtout en ce qui concerne la question du nationalisme kurde et la reconnaissance du kurde comme la deuxième langue la plus parlée du pays", estime le militant kurde indépendant Massoud Akko.

Sur le terrain, Karim, milicien kurde lance un avertissement: "si l'ASL vient en tant qu'hôte, nous les accueillerons", mais il n'est pas question que ces rebelles, très majoritairement des Syriens arabes, prennent le contrôle de la ville.

"Nous protégerons les nôtres des Turcs, de l'ASL et d'Assad", martèle-t-il.

Selon M. Akko, les forces du régime syrien laissent volontairement le contrôle de certaines zones au PYD, ce qui expliquerait que la prise des localités de la région ait été relativement pacifique.

"Le transfert d'institutions par le régime au PYD est un sale jeu", estime-t-il, y voyant "un message à la Turquie, car elle aide l'opposition syrienne".

En fait, amis hier, les deux voisins sont devenus des ennemis irréductibles: Si Ankara donne tout son appui à la rébellion armée contre le régime de Bachar al-Assad, Damas voit plutôt d'un bon oeil de voir une partie de la frontière avec la Turquie contrôlée par la branche syrienne du PKK.

"Je ne sais pas si le gouvernement soutient l'offensive kurde mais je peux vous dire que les Kurdes ont certainement plus le sens de l'honneur que les groupes armés", a affirmé à l'AFP un haute responsable syrien.

"Je ne dis pas que ce parti collabore avec le régime, mais les deux parties se tolèrent mutuellement" assure M. Akko, soulignant que "les Kurdes n'ont pas la capacité militaire de prendre le contrôle des zones kurdes", notamment la vaste province d'Hassaka.

Des civils kurdes soutenus par des milices ont discrètement pris le contrôle d'une série de villes dans cette province, où seules deux des principales villes restent au mains du régime.

Lors de festivités célébrant le départ des forces du régime à Derik, des combattants des YPG arboraient des foulards jaunes rouges et verts, les couleurs du PKK. Jubilant, d'autres manifestants agitaient des drapeaux du PKK, et même le rouge-blanc-vert du Kurdistan irakien.

"Du temps de Bachar al-Assad, il n'y avait pas de justice. Il avait un gros problème avec les Kurdes, il ne voulait pas accepter la langue kurde", a lancé Abdoulgafou Omar, venu célébrer le départ des troupes.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.