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Les oliviers d'Afrine trouvent de nouvelles racines au Kurdistan irakien


Mardi 8 septembre 2020 à 09h48

Erbil (Irak), 8 sept 2020 (AFP) — Surplombant des résidences d'été de familles cossues du Kurdistan irakien, des milliers d'oliviers se dressent. Ce paysage n'existait pas il y a quelques années: c'est un Kurde de Syrie qui les a ramenés, faisant fleurir le business de l'huile d'olive dans la région.

Bien avant que l'armée turque et ses supplétifs syriens ne prennent sa ville d'Afrine, l'un des bastions kurdes de Syrie, Souleimane Cheikho avait pris le large.

Depuis 2007, en les faisant passer légalement ou grâce aux routes de contrebande entre le Kurdistan irakien et les zones kurdes du nord-est syrien, il a replanté ses oliviers dont il parle comme étant ses enfants de l'autre côté de la frontière.

"J'ai ramené 42.000 oliviers d'Afrine, quand ils avaient environ trois ans", explique fièrement à l'AFP celui qui a longtemps été le président de l'Association des oléiculteurs d'Afrine.

Début 2018, sa tâche s'est compliquée: les Turcs ont lancé l'opération "Rameau d'olivier", un nom qui résonne encore douloureusement à Afrine, dont les petits fruits noirs faisaient la réputation.

Ankara craint l'émergence en Syrie d'une région autonome tenue par les milices kurdes proches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une guérilla sur le sol turc.

La milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), considérée comme "terroriste" par la Turquie, a rapidement perdu Afrine et, depuis, l'exode s'est intensifié.

La moitié des 320.000 habitants, dont beaucoup vivaient de la production d'huile d'olive grâce au climat propice des environs, ont fui leur foyer lors de l'offensive, selon l'ONU.

- Un secteur en éclosion -

"Aujourd'hui, je vise 80.000 arbres", poursuit M. Cheikho au volant de son pick-up. A Afrine, 4.000 de ses oliviers étaient plus que centenaires.

Entretenir autant d'arbres est une gageure au Kurdistan irakien, convient-il, une région bien plus aride qu'Afrine, où il doit redoubler d'efforts pour assurer l'irrigation.

Un peu plus loin, le cinquantenaire --qui incarne la quatrième génération d'oléiculteurs dans sa famille-- présente son pressoir.

Là, une vingtaine d'employés connaissent leur artisanat sur le bout des doigts. Eux aussi sont venus d'Afrine, mais plus tard, pour fuir la guerre.

"C'est une bonne année, nous avons produit 23 litres d'huile pour 100 kilos d'olives récoltés", se félicite le patron.

Si M. Cheikho écoule ses bouteilles au Kurdistan mais aussi ailleurs en Irak, il a surtout travaillé à faire bourgeonner un secteur jusqu'ici peu développé.

Le climat irakien rend en effet plus facile l'importation --du Liban, de Syrie ou de Turquie-- que la production d'huile d'olive, un élixir présent sur toutes les tables du pays mais aussi dans le savon et d'autres dérivés.

- Faire revivre Afrine -

Après avoir fait venir des dizaines de milliers d'oliviers d'Afrine, il a aidé sept investisseurs kurdes irakiens à établir leur pressoir et leur oliveraie. Tous ont embauché des Kurdes d'Afrine.

Faire vivre l'huile d'olive, pour M. Cheikho et ses compagnons, c'est un peu faire vivre leur ville martyre, dont les ressources ont été pillées.

En 2008, alors que M. Cheikho venait d'arriver, le Kurdistan autonome d'Irak comptait 169.400 oliviers.

Aujourd'hui, selon les autorités kurdes, il y en a quatre millions grâce aux fonds investis --près de 20 millions d'euros-- pour la plantation et l'importation.

Quelque 25 tonnes d'huile d'olive ont été produites en 2019, ainsi que de nombreux produits dérivés comme du savon ou des cosmétiques.

"Les agriculteurs ici ont de grands projets et sont extrêmement ambitieux (...) en travaillant dur et, grâce à l'expérience des oléiculteurs d'Afrine, ils vont créer un bel avenir pour l'huile d'olive", prédit M. Cheikho.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.