Mercredi 22 juin 2011 à 18h10
DIYARBAKIR (Turquie), 22 juin 2011 (AFP) — La récente invalidation de l'élection d'un militant kurde lors des dernières législatives le 12 juin a provoqué la colère des militants kurdes mercredi, qui ont appelé au boycott du Parlement et prévenu d'un risque de nouvelles violences.
Quelque 2.000 Kurdes ont participé à un sit-in à Diyarbakir, la principale ville du sud-est anatolien, peuplé en majorité de Kurdes, pour protester contre la décision prise mardi soir par le Haut conseil des élections (YSK) d'invalider l'élection de Hatip Dicle, élu dans cette même ville.
A Istanbul, une manifestation d'environ un millier de personnes a dégénéré en heurts avec la police, qui a riposté avec des grenades lacrymogènes à des jets de pierre, a constaté l'AFP.
Le YSK a estimé que M. Dicle, un candidat indépendant mais soutenu par le principal parti pro-kurde de Turquie, le Parti pour la paix et la démocratie (BDP), ne pouvait pas avoir été élu car il n'était pas éligible à ces législatives en raison d'une condamnation pour "propagande terroriste".
Hatip Dicle a été condamné à 20 mois de prison et cette condamnation a été maintenue par la Cour d'appel seulement quatre jours avant les élections, après la confirmation des listes de candidats pour le scrutin.
En réaction à cette décision, le Congrès pour une société démocratique (DTK), une plateforme d'associations et mouvements kurdes, a appelé les 35 autres nouveaux élus soutenus par le BDP à boycotter le Parlement lors de sa rentrée prochaine.
Les députés "doivent déclarer leur position ouvertement, conformément à leur précédente décision de ne pas aller au Parlement si même un seul d'entre eux est manquant", a affirmé le DTK dans un communiqué cité par l'agence de presse Anatolie.
Le BDP, qui est membre du DTK, a indiqué qu'il se réunirait jeudi pour évaluer la situation.
"Il s'agit d'une décision visant à mener la Turquie au chaos (...) pour pousser notre peuple vers un environnement de conflit", a déclaré Ahmet Türk, le président du DTK, cité par Anatolie.
"L'Etat, le gouvernement et la justice essaient de bloquer nos efforts pour créer un socle politique démocratique" en vue d'une résolution du conflit kurde, qui dure depuis 1984 en Turquie, a-t-il accusé.
C'est dans ce contexte tendu qu'une mine a explosé mercredi au passage d'un véhicule de police dans la province de Tunceli (est), tuant deux agents, a rapporté Anatolie. Les autorités ont désigné les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) comme les auteurs probables de l'attentat.
Hatip Dicle, qui est actuellement en détention préventive pour une autre affaire, devait sortir de prison en raison de son élection au Parlement, cette élection devant lui octroyer une immunité parlementaire.
Son siège a été attribué à une candidate du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) au pouvoir, qui dispose désormais de 327 députés sur 550 à l'Assemblée.
Hatip Dicle, 57 ans, avait fait partie des premiers nationalistes kurdes à enlever un siège au parlement, en 1991.
Ces députés avaient été arrêtés en 1994 après l'interdiction de leur parti pour liens avec le PKK, passant 10 ans en prison. Parmi eux se trouvait Leyla Zana, la pasionaria kurde, qui a également été élue le 12 juin.
Hatip Dicle est retourné en prison en 2010, dans le cadre d'une enquête portant sur de présumées branches urbaines du PKK.
Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par Ankara et de nombreux pays. Il a posé lundi comme conditions pour reconduire un trêve unilatérale décrétée le 13 août 2010 un arrêt des opérations militaires et la reconnaissance de son chef emprisonné, Abdullah Öcalan, comme interlocuteur pour un règlement de la question kurde.
Le conflit kurde en Turquie a fait plus de 45.000 morts, selon l'armée.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.