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Les Kurdes retournent au Parlement turc mais leur tâche sera rude


Lundi 23 juillet 2007 à 15h41

DIYARBAKIR (Turquie), 23 juil 2007 (AFP) — Treize ans après en avoir été exclus, les députés kurdes retournent au Parlement turc à l'occasion des élections mais leur engagement en faveur d'une réconciliation sera mis à rude épreuve par une recrudescence des activités des séparatistes kurdes.

"Nous voulons ouvrir une page nouvelle", a souligné Aysel Tugluk, ravie de figurer parmi les 24 députés kurdes élus aux législatives de dimanche, selon les résultats officieux.

"Nous voulons entamer un processus de dialogue et de réconciliation au Parlement afin de régler le problème (kurde)", affirme cette nouvelle députée de Diyarbakir, chef-lieu du sud-est anatolien à majorité kurde.

Elle veut aussi rassurer l'opinion publique: "Nous ne serons pas une source de tension (...), nous agirons dans un esprit de tolérance et de compréhension".

Des centaines de personnes ont fêté avec des tambours et des chants la victoire électorale de leurs candidats à travers le sud-est.

"Ankara, nous arrivons", ont-ils scandé.

Le parti pour une société démocratique (DTP, principal parti pro-kurde) qui jouit d'un fort soutien dans cette région, avait présenté soixante candidats aux élections sous l'étiquette "indépendant" afin de contourner la règle du seuil minimum de 10% des voix au plan national pour qu'un parti puisse entrer au Parlement.

Ces députés doivent pouvoir former un groupe dans le nouveau Parlement.

Les candidats ont fait campagne sur le thème de la réconciliation entre Turcs et Kurdes. Ils ont notamment appelé Ankara à abandonner l'option militaire contre les séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit) et à accroître les droits de cette communauté.

Les premiers pas des députés kurdes au Parlement ont pris fin sur un échec en 1994 quand leur immunité a été levée après avoir été accusés de collusion avec le PKK. Certains, dont la plus connue, Mme Leyla Zana, lauréate du prix Sakharov de la paix du Conseil de l'Europe, se sont retrouvés en prison. D'autres ont choisi l'exil.

Depuis, sous la pression de l'UE, Ankara a accordé à la minorité kurde davantage de liberté dans le domaine culturel et levé l'état d'urgence dans le sud-est.

Les Kurdes continuent toutefois de se plaindre de discriminations. Ils réclament l'enseignement de leur langue à l'école et la reconnaissance de celle-ci dans la vie publique.

Il est cependant certain que les nouveaux parlementaires kurdes ne seront pas accueillis à bras ouverts à Ankara où le DTP est soupçonné d'être la vitrine politique du PKK et refuse de le condamner comme une organisation terroriste.

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a d'ores et déjà averti que "le DTP continuera à alimenter les soupçons tant qu'il ne condamnera pas le PKK comme une organisation terroriste", comme l'ont fait l'Union européenne et Washington.

Le PKK a augmenté ses opérations cette année, suscitant des réactions nationalistes et des appels à une intervention dans le nord de l'Irak voisin où les rebelles disposent de bases arrières.

La résurgence des violences du PKK est considérée comme l'un des principaux facteurs qui ont favorisé le retour du parti nationaliste MHP au Parlement après une absence de cinq ans.

Parmi les candidats kurdes élus figurent deux avocats du chef rebelle emprisonnée Abdullah Öcalan, dont Mme Tugluk, accusée par les autorités turques de servir d'intermédiaire entre le chef du PKK et ses rebelles.

Autre situation plus insolite: une activiste incarcérée à Istanbul et qui devait bientôt être jugé pour liens présumés avec la rébellion kurde a gagné un siège de député.

Plus de 37.000 personnes ont été tuées depuis que le PKK a pris les armes en 1984 avec pour objectif l'indépendance de l'est et du sud-est de la Turquie.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.