Page Précédente

Les Kurdes de Syrie, longtemps marginalisés, autonomes de facto dans le nord


Samedi 20 janvier 2018 à 18h07

Beyrouth, 20 jan 2018 (AFP) — Les Kurdes de Syrie, qui ont adopté une position de "neutralité" envers le pouvoir et la rébellion au début du conflit, ont bénéficié du chaos de la guerre pour établir une autonomie de facto dans les territoires qu'ils contrôlent dans le nord et le nord-est syrien.

- Discrimination -

Principalement installés dans le nord de la Syrie, les Kurdes, essentiellement sunnites avec des minorités non musulmanes et des formations politiques souvent laïques, comptent pour 15% de la population syrienne selon les estimations.

Ils ont souffert de décennies de marginalisation et d'oppression de la part du régime du parti Baas au pouvoir, et n'ont cessé de réclamer la reconnaissance de leurs droits culturels et politiques.

- Neutralité et autonomie -

Dès le début du conflit déclenché en 2011 par la répression sanglante d'une révolte pacifique par les troupes du président Bachar al-Assad, le régime fait un geste envers les Kurdes.

Le président Assad naturalise 300.000 Kurdes "apatrides" après un demi-siècle d'attente et de protestations. Ces Kurdes de Syrie s'étaient vus retirer leur nationalité à la suite d'un recensement controversé en 1962.

Les Kurdes vont ensuite tenter de rester à l'écart du conflit. Ils adoptent une position de "neutralité" envers le pouvoir et la rébellion, essayant d'empêcher les rebelles de pénétrer dans leurs régions pour éviter des représailles du régime.

A la mi-2012, les forces gouvernementales quittent des positions dans le nord et l'est, qui sont reprises ensuite par les Kurdes. Ce retrait est alors perçu comme destiné essentiellement à encourager les Kurdes à ne pas s'allier aux rebelles.

- 'Région fédérale' -

En novembre 2013, le Parti de l'union démocratique (PYD), dont les Unités de protection du peuple (YPG) sont le bras armé, proclame une semi-autonomie.

En mars 2016, les territoires semi-autonomes annoncent la création d'une "région fédérale", composée de trois cantons, Afrine --dans la province d'Alep (nord)--, Jaziré --qui correspond à la province de Hassaké (nord-est)--, et l'Euphrate --sur une partie des provinces d'Alep et de Raqa--.

Cette initiative s'apparente à une autonomie de facto et les Kurdes vont s'attirer l'inimitié des forces de l'opposition, en plus de l'hostilité de la Turquie voisine.

En décembre 2016, ils se dotent d'un "contrat social", une Constitution pour la "région fédérale".

En 2017, les habitants des régions kurdes votent pour élire leurs conseils municipaux.

- Antijihadistes -

Dès 2014, la branche armée du PYD a été l'une des principales forces combattant le groupe Etat islamique (EI) avec l'appui aérien de la coalition antijihadistes conduite par les États-Unis.

En janvier 2015, les forces kurdes soutenues par les frappes de la coalition chassent l'EI de Kobané (Aïn al-Arab en arabe), à la frontière turque, après plus de quatre mois de violents combats.

En août 2016, les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes, chassent l'EI de son fief de Raqa après des mois de combats.

- Colère de la Turquie -

Le 14 janvier 2018, la coalition annonce oeuvrer à la création d'une "force" frontalière dans le nord de la Syrie composée de 30.000 hommes, notamment constituée de membres des FDS, dominées par les YPG.

Or, la Turquie considère les YPG comme l'extension en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation kurde qui livre une guérilla contre Ankara depuis 1984. La Turquie avait déjà lancé une offensive dans le nord de la Syrie en août 2016 pour repousser l'EI, mais également pour contrer l'expansion territoriale des milices kurdes.

Le 15 janvier, le président Recep Tayyip Erdogan affirme que l'armée turque est "prête" à lancer une opération "à tout moment" contre les bastions des YPG Afrine et Minbej dans le nord de la Syrie.

Le 19, l'artillerie turque bombarde l'enclave kurde d'Afrine.

Le 20 janvier, l'armée turque confirme avoir lancé une offensive terrestre et aérienne, baptisée "Rameau d'olivier", contre les YPG.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.