
Dimanche 18 novembre 2007 à 11h07
SOULAIMANIYAH (Irak), 18 nov 2007 (AFP) — La colère monte parmi les familles des victimes des campagnes meurtrières de Saddam Hussein contre les Kurdes irakiens du fait du retard pris pour l'exécution d'"Ali le chimique", le principal responsable de leur calvaire.
"Qu'est-ce que la mise à mort de trois criminels, sur les centaines de meurtriers qui ont participé à la campagne Anfal?", assène Abdoul Rahman Faris, 50 ans, dont la femme, le fils et la soeur ont été tués par les bombes de l'armée de Saddam.
"Ces histoires de pardon pour ces criminels ne sont que des magouilles politiques sur le dos des victimes", accuse-t-il.
Ali Hassan al-Majid, dit "Ali le chimique", a été condamné à mort en juin au même titre que l'ancien directeur-adjoint des opérations militaires, Hussein Rachid al-Tikriti, et le ministre de la Défense, Sultan Hachem al-Taï, pour la répression de la rébellion kurde (campagne Anfal 1987-1988), qui avait fait près de 180.000 morts.
Plusieurs obstacles importants, à la fois légaux et politiques, empêchent depuis l'exécution des trois hommes, aujourd'hui sous la garde de l'armée américaine.
Cousin de Saddam Hussein, Ali Hassan al-Majid, dont le surnom vient de sa prédilection pour les armes chimiques, est haï des Kurdes.
"Au nom des victimes, nous demandons l'exécution des condamnés à mort immédiatement et sans délai, ceci afin de ne pas faire douter de la crédibilité du système judiciaire irakien", déclare Mouhsin Racheed, 35 ans, qui dirige l'un des multiples comités des victimes d'Anfal.
"Une quinzaine d'associations kurdes sont intervenues en août auprès de la présidence du Kurdistan irakien pour s'opposer fermement à un report de la pendaison" des trois hommes, souligne M. Racheed, qui a perdu plus de 25 membres de sa famille pendant Anfal.
Les familles des victimes ont également "mis en garde les autorités irakiennes de ne pas interférer dans la justice et de ne pas pardonner aux criminels d'Anfal", souligne-t-il.
Ces "politiciens prêts à passer l'éponge sur des dizaines de milliers de morts feraient mieux d'expliquer au monde le génocide que les Kurdes ont subi".
Le président irakien Jalal Talabani (Kurde) et le vice-président Tarek al-Hachémi (sunnite) ont refusé de signer l'ordre d'éxécution des trois hommes.
M. Talabani est opposé au principe de la peine de mort. M. Hachémi craint, pour sa part, que l'exécution du général Hachem al-Taï ne sabote les efforts de réconciliation en Irak, ravivant les frustrations des sunnites. Il affirme également que Sultan Hachem al-Taï, militaire de carrière, n'avait fait qu'obéir aux ordres de Saddam Hussein.
Enfin, le fait que la date butoir prévue par la loi pour l'exécution --le 4 octobre-- soit dépassée signifierait qu'il serait désormais illégal d'exécuter "Ali le Chimique" et ses co-accusés, selon leur défense.
"Les déclarations du président Talabani piétinent les droits des victimes d'Anfal", accuse M. Racheed. "Si les responsables kurdes acceptent le pardon pur les crimes d'Anfal, nous les considérerons comme les Baassistes", renchérit M. Faris, en référence au parti Baas au pouvoir sous Saddam Hussein.
Pour Ali Mahmoud, qui dirige une organisation humanitaire kurde, travaillant sur Anfal, les "interférences de l'administration américaine, de certains partis politiques irakiens et même de formations kurdes pour repousser les exécutions sont injustifiables".
"Personne ne remet en cause le sort d'Ali le chimique, mais c'est l'exécution de Sultan Hachem qui fait débat", a rétorqué samedi le porte-parole du gouvernement irakien, Ali al-Dabbagh.
"La justice doit prévaloir, le cas est aux mains de la Cour suprême qui décidera si l'exécution nécessite l'accord du conseil présidentiel", a-t-il expliqué.
"Nous exigeons leur pendaison sans délai et nous condamnons tout retard dans leur exécution", réagit Shazad Hussein, 35 ans, qui dirige l'Organisation des femmes d'Anfal.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.