Mercredi 5 avril 2006 à 11h17
ANKARA, 5 avr 2006 (AFP) — Les sanglantes émeutes kurdes en Turquie ont réduit davantage la marge de manoeuvre politique du principal parti pro-kurde du pays, accusé de collusion avec la rébellion kurde armée.
Lors d'un discours au parlement mardi, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a clairement fait savoir qu'il refuserait de rencontrer les dirigeants du Parti pour une société démocratique (DTP) tant que ceux-ci ne reconnaîtraient pas le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, séparatiste) comme une organisation terroriste.
"D'abord vous devez déclarer que le PKK est une organisation terroriste. On se parlera après", a-t-il martelé.
Ahmet Türk, co-président du DTP et politicien kurde chevronné, s'est dit consterné par cette fin de non-recevoir du Premier ministre "qui a invité (le groupe radical palestinien) Hamas en Turquie mais refuse de rencontrer un parti légal".
Les autorités gouvernementales affirment que les émeutes qui ont pendant six jours enflammé Diyarbakir et d'autres villes du sud-est anatolien avant de se s'étendre dimanche à Istanbul (nord-ouest), ont été orchestrés par le PKK et son chef Abdullah Öcalan du fond de sa prison d'Imrali (nord-ouest).
Selon Ankara, le PKK -considéré comme une organisation terroriste par La Turquie, l'Union européenne et les Etats-Unis- continue d'attiser le conflit kurde afin de s'imposer comme interlocuteur incontournable.
Des dirigeants locaux du DTP se sont activement engagés auprès des émeutiers mobilisés par les militants du PKK. Ils ont menacé par exemple les commerçants des villes du Sud-Est, peuplé majoritairement de kurdes et le théâtre, de 1984 à 1999, de la rébellion du PKK, de ne pas ouvrir boutique et appelé les habitants à résister aux forces de l'ordre.
Ces heurts urbains qui ont fait 15 morts et des centaines de blessés sont les plus violents depuis la reprise des combats par le PKK qui a mis fin, en juin 2004, à une trêve unilatérale qui a duré cinq ans.
Le DTP, créé en 2004 par d'anciens députés kurdes (dont la plus connue, Mme Leyla Zana, a été emprisonnée pendant dix ans pour complicité avec le PKK), s'était illustré au début par une rhétorique modérée prônant le dialogue interethnique.
Il succédait ainsi au Parti démocratique du peuple (Dehap), qui s'est auto-dissous et est menacé d'une fermeture pour des liens présumés avec le PKK et pour falsification de documents lors des élections générales de 2002.
Mais le sort du DTP ne devrait être guère plus différent, selon Ercan Citlioglu, un spécialiste des questions terroristes, qui estime que les récentes déclarations de responsables du DTP pourraient entraîner son interdiction par la justice.
"Le lien organique entre le PKK et le DTP a été confirmé par ces violences", a-t-il indiqué à l'AFP.
"Je ne serais pas surpris si l'on décidait de lancer dans les jours prochains une procédure pour dissoudre ce parti", a-t-il dit, ajoutant que le DTP a failli à se distancer de la ligne idéologique du PKK et de son chef.
Metin Tekçe, le maire DTP de Hakkari, ville aux confins de la Turquie, avait récemment choqué les Turcs en affirmant que le PKK n'est pas une organisation terroriste.
Le maire populaire de Diyarbakir, Osman Baydemir, membre du DTP, avait tenté lors des heurts de calmer les jeunes manifestants tout en saluant "leur courage", ce qui lui a valu l'ouverture d'une information judiciaire pour apologie du terrorisme.
D'autres responsables du parti, qui n'est pas représenté au parlement, ont été soit écroués soit poursuivis pour des accusations similaires dans un pays où les violences générées par le PKK ont fait plus de 37.000 morts.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.