Dimanche 18 novembre 2012 à 14h13
ANKARA, 18 nov 2012 (AFP) — Un mouvement collectif de grèves de la faim des détenus kurdes s'est terminé dimanche après que le chef kurde emprisonné Abdullah Öcalan a publié la veille un message à ses partisans pour qu'ils cessent leur protestation qui durait depuis 68 jours.
"Nous prenons en considération l'appel d'Abdullah Öcalan et mettons fin à notre action à partir du 18 novembre", a déclaré depuis la prison un représentant des militants en grève, Deniz Kaya, à l'agence pro-kurde Firatnews.
C'est son frère Mehmet, après l'avoir rencontré samedi, qui a publié le même soir une déclaration écrite relayant les vux du chef du PKK.
"Cette action a atteint son objectif. Je veux qu'ils mettent fin à leur action sans tarder et sans aucune hésitation", a dit Öcalan, selon ce document.
Depuis le 12 septembre, d'abord un groupe d'une soixantaine de détenus puis ensuite plus de 700 prisonniers kurdes ont cessé de s'alimenter dans des dizaines de prisons du pays pour obtenir la fin de l'isolement d'Öcalan et l'amélioration du sort de la minorité kurde, notamment la reconnaissance de leur langue.
Ce mouvement, qui aurait pu déboucher sur la mort de certains grévistes, notamment ceux du premier groupe, de l'avis de médecins, mettait le gouvernement islamo-conservateur du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, dans l'embarras et risquait de raviver la tension dans le sud-est, majoritairement kurde, du pays.
Abdullah Öcalan, 62 ans, est emprisonné à Imrali, une île de la mer de Marmara (nord-ouest), depuis son arrestation en 1999.
Le PKK, considéré comme une organisation terroriste par Ankara, les Etats-Unis et l'Union européenne, est tenu par la Turquie pour responsable de la mort de plus de 45.000 personnes depuis qu'il a pris les armes il y a près de 30 ans pour obtenir un statut d'autonomie pour les Kurdes de Turquie.
Le Parti de la paix et de la démocratie (BDP, pro-Kurde) a apporté son appui à la consigne d'arrêter la grève de la faim lancée par Abdullah Öcalan.
"Les grévistes ont cessé leur mouvement depuis ce matin (dimanche). Certains d'entre-eux seront hospitalisés", a indiqué la co-présidente de cette principale formation pro-kurde de Turquie, Gülten Kisanak, citée par l'agence Anatolie.
Le gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP) a fait la semaine dernière un geste pour tenter d'enrayer cette vague de protestation en faisant déposer un projet de loi autorisant les Kurdes à se défendre dans leur langue maternelle devant les tribunaux.
Le projet doit être voté cette semaine au Parlement où l'AKP est majoritaire.
La proposition autorise un détenu kurde à faire usage de sa langue maternelle pour se défendre dans les tribunaux".
Cette décision a été jugée insuffisante dans un premier temps par les militants de la cause kurde, qui réclamaient d'abord la fin de l'isolement imposé à Öcalan interdit de rencontrer depuis plus d'un an et demi ses avocats.
La façon dont s'est terminée le mouvement illustre également la position de force d'Öcalan qui reste malgré son emprisonnement un acteur incontournable dans le conflit kurde en Turquie.
-- Erdogan inflexible --
M. Erdogan a joué pendant tout le mouvement la carte de la fermeté et a exclu de céder à ce qu'il a appelé le "show" des grévistes de la faim. "Notre gouvernement ne cèdera pas au chantage", a-t-il notamment martelé, menaçant d'alimenter par la force les militants les plus affaiblis.
Néanmoins, Öcalan a pris la décision de faire cesser la vague de protestation après trois rencontres à Imrali avec des responsables des services secrets turcs (MIT), a rapporté le journal Radikal.
La poursuite du mouvement aurait aussi eu des conséquences néfastes sur l'image de la Turquie à l'étranger.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, le gouvernement islamo-conservateur a fait progresser les droits culturels des Kurdes. Ce mouvement de contestation dans les prisons, le premier auquel il est confronté, est intervenu alors que les combats font rage entre l'armée et le PKK dans tout le sud-est du pays.
Cinq soldats et quatre rebelles ont été tués dans des combats survenus tôt dimanche dans une zone rurale de Semdinli (province de Hakkari), a annoncé le gouvernorat local.
Les grèves de la faim sont une pratique des organisations d'extrême-gauche et kurdes et ont fait plus d'une centaine de morts entre 1996 et 2007.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.