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Le séisme, nouveau défi pour l'opposition turque


Lundi 13 février 2023 à 13h53

Istanbul, 13 fév 2023 (AFP) — La tenue des élections présidentielle et législatives en mai semble incertaine après le séisme qui a dévasté le sud de la Turquie et a déjà obligé l'alliance de l'opposition à différer l'annonce du nom de son candidat.

Celle-ci aurait dû avoir lieu lundi.

Le tremblement de terre du 6 février, d'une magnitude de 7,8, a fait près de 32.000 morts dans ce pays - auxquels il faut ajouter les plus de 3.500 personnes qui ont perdu la vie en Syrie voisine - et ce bilan est loin d'être définitif.

Le président Recep Tayyip Erdogan n'a pas dit un mot depuis la catastrophe à propos des scrutins prévus pour le 14 mai mais, au sein de son parti - l'AKP - et des formations de l'opposition, les conjectures vont bon train sur leur possible ajournement.

Le séisme "va changer la donne non seulement pour le gouvernement mais aussi pour l'opposition", juge Berk Esen, de l'université Sabanci d'Istanbul.

"Ces terribles événements ont fourni à l'opposition de nouvelles munitions contre le gouvernement - propulsées par la colère et les griefs de la population" qui juge pour partie que l'aide a trop tardé, renchérit l'analyste Anthony Skinner.

Avant le tremblement de terre, beaucoup doutaient déjà de la capacité de l'opposition, réunie en grande partie dans une Alliance nationale rassemblant six partis, à annoncer son candidat commun lundi.

Le chef du CHP, la plus grande formation d'opposition, Kemal Kiliçdaroglu, entend se présenter contre M. Erdogan. Mais l'une des principales figures de l'alliance, Meral Aksener, la fondatrice du Bon Parti, s'est selon certains observateurs opposée à sa candidature.

- "Un devoir" -

"L'opposition était déjà dans une position très délicate" car divisée sur la personnalité capable de défier M. Erdogan, au pouvoir depuis 2003, rappelle M. Esen.

A 74 ans, M. Kiliçdaroglu n'apparaît pas dans les sondages comme le mieux placé pour battre le chef de l'Etat sortant - comparé notamment aux maires CHP de la capitale Ankara et d'Istanbul.

Pour Berk Esen, il reste néanmoins le candidat le plus probable car "cela sera très difficile pour un autre" de faire campagne désormais.

Pour les experts, des élections en mai paraissent improbables. Ils envisagent leur déroulement en juin, la dernière date possible dans le respect de la Constitution turque, car leur ajournement n'est théoriquement possible qu'en cas de guerre, rappellent-ils.

Pour reporter ces scrutins au-delà de juin et sans modifier la Constitution, le gouvernement a besoin de la majorité des deux tiers au parlement, ce qui implique que des dizaines de députés de l'opposition votent en faveur d'une telle option.

Pour Sinem Adar, du Centre d'études appliquées sur la Turquie à Berlin, l'opposition a tout intérêt à s'assurer de leur organisation d'ici à juin.

Meral Aksener veut un vote en juin.

"C'est notre devoir de les organiser", a-t-elle glissé la semaine dernière devant la presse.

- Fissures dans l'opposition -

Mais, même dans sa réponse au tremblement de terre, l'opposition est loin de s'accorder.

Meral Aksener a choisi le silence et a évité les régions sinistrées les premiers jours "pour ne pas gêner les secours", tandis que Kemal Kilicdaroglu s'est rapidement rendu sur place et a tenté de consoler les victimes, fustigeant le pouvoir et son impréparation.

Samedi, il s'est présenté avec un dirigeant prokurde à Diyarbakir, la grande ville du sud-est en majorité peuplée de Kurdes, touchée par le séisme. Diyarbakir est le chef-lieu de la seule des 10 provinces victimes du tremblement de terre à n'avoir pas voté en faveur de l'alliance formée autour de M. Erdogan aux précédentes élections, en 2018.

Les maires d'Ankara et d'Istanbul ont pour leur part partagé des images d'employés municipaux de leurs villes participant aux opérations de sauvetage, nettoyant les décombres et fournissant des repas chauds aux survivants.

Pour Sinem Adar, la catastrophe du 6 février risque de fissurer davantage encore l'opposition sur le choix de son candidat et le rôle de chaque parti.

Berk Esen reconnaît, quant à lui, un manque de coordination en son sein mais fait valoir qu'une semaine seulement s'est écoulée depuis le tremblement de terre.

raz/zak/ach/rba/bds

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.