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Le régime turc multiplie les signes d'ouverture à l'égard des communautés


Samedi 28 novembre 2009 à 10h22

ISTANBUL, 28 nov 2009 (AFP) — Initiative en faveur des Kurdes, main tendue à l'Arménie, hommage aux Alevis: chaque semaine témoigne en Turquie des efforts d'"ouverture" aux communautés que mène le régime islamo-conservateur, mais cette politique est diversement analysée par les commentateurs.

Dernier signal: l'apparition, dans le sud-est à majorité kurde, des premiers panneaux de signalisation en deux langues, turc et kurde.

Certes l'initiative revient à la mairie de Diyarbakir, qui est contrôlée par le parti pro-kurde DTP, mais le gouvernement n'a rien fait pour l'empêcher.

Comme il a volontairement laissé en liberté, fin octobre, un groupe de rebelles du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), rentrés en Turquie de leur base irakienne.

Le 3 octobre, devant son parti, l'AKP (Parti de la justice et du développement), le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan prononçait un discours considéré depuis comme fondateur.

Il citait 13 noms qui, selon lui, ont contribué à faire la Turquie. Or plusieurs de ces figures ont été, par le passé, considérées comme des ennemis de l'Etat, notamment par les chefs militaires tout puissants du siècle dernier, ou sont mortes en exil.

Ainsi du chanteur d'extrême-gauche Cem Karaca, ou du poète communiste Nazim Hikmet.

De surcroît, la liste compte deux poètes kurdes (Ahmet Kaya et Ahmed Khani), un musicien arménien (Tatyos Efendi), et trois Alevis, dont Pir Sultan Abdal et Haci Bektas Veli, grandes figures de cette communauté musulmane distincte des sunnites majoritaires en Turquie.

"Il y a peu, tout cela était tabou", explique l'analyste Mehmet Ali Birand.

Et de rappeller qu'il y a moins de trois ans (le 29 avril 2007), l'armée turque, coutumière des coups d'Etat, se rappelait au bon souvenir de la classe politique, dénonçant une menace islamiste et prévenant qu'elle défendrait la République léguée par Atatürk.

Aujourd'hui, c'est sur plusieurs fronts qu'avance M. Erdogan.

En dépit du tabou arménien - Ankara refuse de considérer les massacres d'Arméniens en Turquie comme un génocide - le gouvernement a signé le 10 octobre un accord de normalisation avec l'Arménie.

Il a annoncé aussi une "ouverture démocratique" en faveur des 12 millions de Kurdes de Turquie (sur 71 millions d'habitants), qui concerne dans un premier temps l'utilisation du kurde et la prévention des actes de torture.

Et il met en place des tables rondes pour étudier les demandes des Alévis, et plus tard celles des Roms.

Pour la première fois depuis 1990, un président turc s'est rendu, le 5 novembre, dans la province de Tunceli (est), peuplée en majorité d'Alévis.

Toutes ces initiatives sont critiquées par l'opposition, pour qui l'unité nationale est en péril, et par ceux qui n'y voient au contraire que des mots, destinés à séduire l'Union européenne, à laquelle la Turquie veut adhérer.

Faux, répond l'analyste Hugh Pope.

"Car le fait que les leaders de l'AKP aient choisi cette année pour aller de l'avant - au moment où des pays clés de l'UE s'opposent de manière cynique, décourageante et mal inspirée aux efforts de la Turquie vers l'Europe, prouve que l'AKP et la Turquie font des efforts sincères vers les valeurs, les libertés et les droits universels", juge-t-il.

Pour M. Birand au contraire, ces initiatives à la tonalité communautariste permettent au gouvernement de défendre son propre projet, vers plus d'expression religieuse.

"En citant des noms très divers, en reconnaissant les droit des autres communautés (Alevis, etc.) le gouvernement se met en position de force pour défendre ses propres revendications, par exemple la levée de l'interdiction de porter le voile à l'université", explique-t-il.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.