
Lundi 21 août 2006 à 10h36
SOULEIMANIYAH (Irak), 21 août 2006 (AFP) — La vue de l'ancien président Saddam Hussein dans le box des accusés, jugé pour génocide, offre à de nombreux Kurdes irakiens une amère satisfaction, mais dans les régions jadis dévastées par ses troupes, la vie reste difficile.
A 10H00 lundi, peu avant le début du procès de Saddam Hussein devant le Haut tribunal pénal à Bagdad, cinq minutes de silence ont été observées dans toutes les villes du Kurdistan irakien, en mémoire des victimes des campagnes Anfal.
Pendant les quatre prochains mois, l'accusation va tenter de prouver, par des documents écrits et des témoignages, qu'en ordonnant la campagne Anfal ("butin de guerre", selon une sourate du Coran), Saddam s'est rendu coupable d'un génocide, au cours duquel jusqu'à 100.000 personnes auraient été massacrées en 1987 et 1988.
"Le procès de Saddam ne signifie rien pour moi. J'habite une pièce aux murs de terre et je dois compter sur la générosité des gens pour survivre", raconte, désabusée, Untie Hamida, une femme âgée de plus de 70 ans, qui a perdu son fils unique au cours des campagnes Anfal.
Untie Hamida vit dans la région de Shorash, qui faisait partie des "zones interdites", décrétées par le régime de Saddam Hussein, au sein desquelles les forces de sécurité étaient autorisées à tuer à volonté.
Ses nuits sont remplies de cauchemars et ses jours de récriminations contre la négligence des autorités.
Comme elle, quelque 18.000 personnes se retrouvent dans la misère, 18 ans après la fin des campagnes Anfal, selon le ministère kurde des droits de l'homme.
Et jusqu'à présent, les familles de la région n'ont reçu que 150.000 dinars (100 dollars) d'aide d'urgence. Si des agences locales et étrangères ont entrepris d'aider à développer la région, la situation reste très difficile dans les campagnes.
Ces dernières semaines, plusieurs manifestations dénonçant le manque de services publics, d'eau et d'électricité ont violemment dégénéré au Kurdistan, prenant pour cible le gouvernement autonome de la région.
"Que Saddam soit jugé ou non, nous restons dans un état désespéré et personne ne s'occupe de nous", déplore Fattah Ali Abdallah, 75 ans, qui vit également dans une maison d'argile, dans la crainte qu'elle s'effondre sous peu.
"Je veux voir Saddam mort", ajoute quand même le vieillard, qui a perdu trois fils et deux filles lorsque les troupes irakiennes ont attaqué sa région de Kalar, au sud de Souleimaniyah.
Le sort des nombreuses veuves endeuillées par Anfal pose également problème, dans une société dirigée par les hommes. Certaines continuent d'ailleurs d'attendre contre toute raison le retour de leurs maris disparus.
"Nous n'avons jamais vu leurs corps. Nous continuerons d'espérer leur retour, tant que nous vivrons", affirme l'une d'entre elles, 18 ans après que son mari lui ait été enlevé.
"Depuis toutes ces années, nous travaillons dur pour assurer la survie de nos enfants, après avoir perdu nos maris", témoigne Asima Saadalla, qui élève seule cinq filles.
"Nous implorons le gouvernement de compenser financièrement les innombrables privations dont nous avons souffert", poursuit-elle.
Lundi soir, alors que les feux des projecteurs seront encore braqués sur la première audience du procès à Bagdad, les Kurdes de Kalar participeront à une cérémonie du souvenir, intime et triste: les petits-enfants des victimes d'Anfal allumeront des cierges.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.