Lundi 15 septembre 2025 à 14h43
Paris, 15 sept 2025 (AFP) — Le procès de trois femmes jihadistes soupçonnées d'avoir appartenu au groupe Etat islamique (EI) en Syrie, dont la nièce des frères Clain qui a d'emblée dit "regretter", s'est ouvert lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris.
Jennyfer Clain, aujourd'hui âgée de 34 ans, est la nièce de Jean-Michel et Fabien Clain. Les deux responsables de la propagande de l'EI présumés morts en Syrie, voix de la revendication des attentats du 13-Novembre, ont été condamnés en leur absence en 2022 à Paris à la perpétuité incompressible.
"Je ne suis pas là pour nier les faits qui me sont reprochés. J'ai adhéré à ce groupe terroriste, tueur. Je suis coupable. Je regrette tellement, mais je ne peux pas revenir en arrière", a déclaré celle qui s'est présentée dans le box des accusés vêtue d'une veste grise, d'un chemisier blanc et d'un jean.
A ses côtés, sa belle-mère, Christine Allain, 67 ans, oscille entre clins d'oeils, grands sourires et regard perdu, recroquevillée sur elle-même lorsque la présidente rappelle faits et charges.
Son autre bru, Mayalen Duhart, est la seule des trois accusées qui comparaît libre, précisant qu'elle est désormais "salariée en boulangerie".
Elle encourt, comme sa belle-mère et belle-soeur par alliance, trente ans de réclusion criminelle pour association de malfaiteurs terroriste.
Les trois s'étaient rendues à Raqqa en Syrie en 2014.
Jennyfer Clain rejoignait alors son mari, Kevin Gonot, choisi par son oncle Jean-Michel Clain et épousé à l'âge de 16 ans, devenu lui-aussi membre de l'Etat islamique.
Sur place vivait déjà la mère du jeune homme, Christine Allain, une ancienne éducatrice spécialisée réputée sans histoire qui s'était convertie à l'islam quelques années plus tôt.
Autrefois sujette à la dépression, Christine Allain avait été initiée au Coran par son fils aîné, Thomas Collange, né en 1982 d'une première union, et qu'elle considérait comme "le sauveur".
Ce dernier avait également entraîné dans sa nouvelle foi sa compagne, Mayalen Duhart, d'abord rencontrée à l'adolescence dans son Pays basque natal, puis retrouvée à la faculté de Toulouse, où il avait fait la connaissance de Fabien Clain.
"Très rapidement, il m'annonce que je dois me convertir. Moi, je n'arrivais pas à faire ma vie sans lui", raconte-t-elle à la barre.
A partir de 2004, le couple Duhart-Collange s'était rendu à plusieurs reprises en Syrie, avant de s'y installer définitivement en 2014, trois ans après le début de la guerre dans ce pays.
- "Désormais apaisée" -
Christine Allain, Jennyfer Clain et Mayalen Duhart avaient été expulsées de Turquie et mises en examen à leur arrivée en France en septembre 2019, accompagnées de neuf enfants de 3 à 13 ans. Elles avaient été arrêtées deux mois plus tôt dans la province turque de Kilis, frontalière avec la Syrie.
L'interpellation mettait fin à deux années d'itinérance après la chute de Raqqa, lorsqu'elles avaient suivi le groupe Etat islamique le long du fleuve Euphrate, au gré de la perte des territoires du fait des offensives kurdes.
Kevin Gonot et Thomas Collange avaient été arrêtés lors de cette retraite. Le premier avait été condamné à mort en Irak en 2019, peine commuée en détention perpétuelle.
Dans leur décision de les renvoyer devant une juridiction criminelle, les juges d'instruction ont relevé que les trois mises en cause "se sont maintenues de manière durable" au sein de groupes jihadistes.
"C'est bien en toute connaissance de cause" que la belle-mère et ses deux brus ont fait le choix, "après l'instauration du califat, de rejoindre l'EI en Syrie", elles et leurs familles bénéficiant de salaires ou de logements fournis par l'organisation, ont encore souligné les magistrats.
"Christine Allain est désormais apaisée, elle a beaucoup travaillé sur elle-même, elle a rencontré beaucoup de professionnels en détention pour envisager la réinsertion sociale", a souligné auprès de l'AFP son avocat, Me Edouard Delattre. "Elle déteste la personne qu'elle était devenue", a-t-il ajouté.
Jennyfer Clain et Mayalen Duhart sont également poursuivies pour s'être soustraites à leurs obligations parentales, notamment pour avoir emmené volontairement leurs enfants "dans une zone en guerre pour y rejoindre un groupe terroriste".
Le procès doit se tenir jusqu'au 26 septembre.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.