Page Précédente

Le principal parti pro-kurde de Turquie menacé d'interdiction


Samedi 5 decembre 2009 à 14h00

ANKARA, 5 déc 2009 (AFP) — La Cour constitutionnelle turque entamera mardi des délibérations qui pourraient mener à l'interdiction du principal parti pro-kurde de Turquie pour collusion avec les rebelles kurdes, une éventualité qui fragiliserait les efforts d'ouverture du gouvernement à cette communauté.

Un recours avait été déposé en 2007 auprès de la Cour constitutionnelle à l'encontre du Parti pour une société démocratique (DTP), fondé en 2005 sur les cendres d'un autre parti pro-kurde interdit pour ses liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation qualifiée de terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne.

Le DTP "est devenu le foyer d'activités préjudiciables à l'indépendance de l'Etat et à son unité indivisible", avait alors accusé le procureur de la Cour de cassation Abdurrahman Yalçinkaya, à l'origine des poursuites, demandant une dissolution.

Les 11 juges de la Cour constitutionnelle, qui est habilitée à interdire une formation politique, devraient prendre une décision dans un délai de quelques jours ou quelques semaines. L'interdiction est l'hypothèse la plus souvent envisagée par les spécialistes.

Selon l'acte d'accusation, la direction du DTP obéit aux "directives" du chef emprisonné à vie du PKK, Abdullah Öcalan.

Sept des 21 députés (sur 550) du parti, dont son président Ahmet Türk, ainsi que de nombreux autres responsables, sont menacés de bannissement de la vie politique pour des durées diverses. Nombre d'observateurs estiment que le DTP est la vitrine politique légale du PKK.

Une interdiction du plus grand parti légal kurde pourrait porter un coup à l'"ouverture démocratique" pro-kurde lancée en grande pompe cet été par le gouvernement islamo-conservateur du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

Ce plan vise à améliorer les droits des Kurdes, dans l'espoir d'éroder le soutien de la population au PKK, en lutte contre les forces turques depuis 1984.

Mais les mesures annoncées, qui concernent principalement l'usage de la langue kurde, ne satisfont pas le DTP, qui réclame surtout qu'Öcalan soit reconnu comme interlocuteur dans le débat, ce qu'Ankara exclut catégoriquement.

Les conditions carcérales d'Öcalan sont depuis des semaines la principale préoccupation du DTP. Le chef rebelle a affirmé à ses avocats vivre dans un "fossé de la mort".

Ankara affirme pour sa part que le chef rebelle, âgé de 61 ans, reçoit un traitement conforme aux normes internationales dans sa prison située sur une une île de la mer de Marmara, où il peut depuis la mi-novembre côtoyer d'autres détenus.

De nombreuses manifestations de Kurdes ont été organisées ces dix derniers jours pour dénoncer les conditions faites au chef rebelle, et une grande manifestation du PKK est prévue dimanche à Diyarbakir (sud-est).

Vendredi, M. Türk a affirmé à la presse que ses députés quitteraient le Parlement si leur parti était dissous.

La Turquie qui aspire à intégrer l'Union européenne, a entamé en 2005 des négociations d'adhésion, après avoir mené un vaste chantier de réformes démocratiques, notamment en faveur de sa communauté kurde.

Le DTP succède à une lignée de partis pro-kurdes dissous. Quatre députés, dont la lauréate du prix Sakharov des droits de l'Homme Leyla Zana, ont purgé de 1994 à 2004 une peine de dix ans de prison pour liens avec le PKK.

Une nouvelle formation, le Parti de la paix et de la démocratie (BDP), a été créée récemment pour anticiper une éventuelle interdiction du DTP.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.