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Le plaidoyer pro-Hamas de la Turquie complique sa relation avec l'UE


Vendredi 10 novembre 2023 à 05h04

Bruxelles, 10 nov 2023 (AFP) — Le plaidoyer pro-Hamas affiché par le président turc Recep Tayyip Erdogan, dans la guerre menée par Israël contre groupe islamiste palestinien, vient compliquer davantage la relation de son pays avec l'Union Européenne, déjà mise à mal par des années de crises et d'incompréhension.

Juste après l'attaque meurtrière lancée par le Hamas contre Israël le 7 octobre, le président Erdogan a d'abord cherché à jouer les médiateurs.

Mais cette ambition semble avoir totalement disparu depuis qu'il a choisi de considérer le Hamas comme un groupe de moudjahidines, de combattants de la liberté, plutôt qu'un groupe terroriste, qualification retenue dans l'Union européenne, aux Etats-Unis et en Israël.

La Turquie est officiellement candidate à rejoindre l'UE, mais les négociations, ouvertes en 2005, sont gelées depuis 2018.

Dans son dernier rapport sur l'état des négociations avec les pays candidats, publié mercredi, la Commission européenne a constaté, une nouvelle fois, qu'Ankara s'éloignait toujours davantage des valeurs démocratiques que l'Union européenne dit défendre.

Bruxelles souhaite néanmoins ne pas couper totalement les ponts avec la Turquie, pays membre de l'Otan, qui occupe une position stratégique à la charnière entre Europe et Asie.

"Ce que le président (turc) dit est mal perçu ici à Bruxelles où nous nous attendons toujours à voir la Turquie s'aligner sur nos positions en matière de politique étrangère", a expliqué cette semaine un responsable européen sous couvert d'anonymat.

- Rappel de l'ambassadeur -

Recep Tayyip Erdogan, fervent musulman et défenseur de la cause palestinienne, a durci ses positions à mesure que le nombre de victimes palestiniennes augmentait du fait des représailles israéliennes après le 7 octobre. La Turquie a qualifié les incessants bombardements israéliens de crimes de guerre et rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv.

L'attaque du Hamas, sans précédent depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948, a fait quelque 1.400 morts, selon Israël, essentiellement des civils.

Les représailles de l'armée israélienne, qui pilonne sans relâche la bande de Gaza où le Hamas est au pouvoir, a fait plus de 10.000 morts dont des milliers d'enfants, selon le mouvement palestinien.

La rhétorique du président turc "en soutien au groupe terroriste du Hamas après son attaque contre Israël (...) est en totale opposition avec l'approche européenne", a déploré la Commission dans son rapport publié mercredi.

"Quand la guerre à Gaza a débuté, beaucoup d'entre nous ont alors pensé que la Turquie pouvait jouer un rôle de médiateur, d'acteur majeur pour faire baisser la tension dans la région", a expliqué un autre responsable européen sous couvert d'anonymat.

"Nous étions très encouragés quand nous avons vus le rôle très positif joué par la Turquie dans la reprise des exportations ukrainiennes de céréales via la Mer Noire", un moment bloquées par la Russie, a-t-il ajouté.

Mais le discours turc sur Gaza a douché ces espoirs.

"L'Europe doit s'engager davantage avec la Turquie, mais cela devient de plus en plus difficile", a déploré ce responsable européen.

La Turquie a réagi mercredi au rapport de la Commission européenne en soulignant qu'elle considérait comme une "sorte de louange" le fait d'avoir été critiquée à Bruxelles pour ses positions dans la guerre entre Israël et le Hamas.

Mais, pour le rapporteur sur la Turquie au Parlement européen, Nacho Sanchez Amor, la Turquie n'est pas exempte de contradictions sur cette question.

"Si vous considérez le Hamas comme des combattants de la liberté, d'autres verront alors aussi le PKK comme tel", a-t-il souligné, en référence au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme une organisation terroriste par l'UE et la Turquie.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.