Mardi 20 mai 2025 à 14h43
Souleimaniyeh (Irak), 20 mai 2025 (AFP) — Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a réclamé à la Turquie un allègement de "l'isolement" carcéral d'Abdullah Öcalan, présentant son fondateur comme le "négociateur en chef" du groupe en cas de pourparlers de paix, après quatre décennies d'une guérilla sanglante.
Dans un entretien exclusif à l'AFP lundi soir, le mouvement a fustigé le manque à ce jour de "garanties" apportées par la Turquie pour lancer ce processus. Et le groupe - classé organisation "terroriste" par Ankara et ses alliés occidentaux - a dit refuser tout exil de ses membres.
Dans une annonce historique le 12 mai, le PKK a proclamé sa dissolution et la fin de quatre décennies d'une guérilla ayant fait plus de 40.000 morts.
L'organisation répondait à un appel lancé fin février par son chef historique, Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 1999.
Si le président turc Recep Tayyip Erdogan a salué cette dissolution, son ministère de la Défense a averti que les opérations contre le PKK se poursuivraient jusqu'à ce que son aire de déploiement soit "nettoyée".
Avec la dissolution et la fin de la "lutte armée", "nous donnons une réelle chance à la paix", a plaidé Zagros Hiwa, porte-parole de la branche politique du PKK, dans des réponses écrites envoyées à l'AFP.
Les pourparlers seront emmenés par le fondateur du PKK, qui purge une peine d'isolement à vie sur l'île-prison d'Imrali, près d'Istanbul.
"Nous attendons de l'Etat turc des amendements des conditions d'isolement sur l'île-prison d'Imrali, et qu'il fournisse au leader (Öcalan) des conditions de travail libres et sûres afin qu'il puisse diriger le processus", a-t-il ajouté.
"Le leader est notre négociateur en chef", a-t-il précisé. "Il est le seul qui peut diriger l'application concrète des décisions prises par le PKK."
- "L'intégration, et non l'exil" -
Pour des observateurs, le gouvernement turc pourrait faire preuve d'une nouvelle ouverture envers les Kurdes, qui représentent environ 20% des 85 millions d'habitants du pays.
La Turquie a indiqué qu'elle surveillerait attentivement le processus de désarmement du PKK, replié sur ses bases arrières dans les régions montagneuses du nord de l'Irak, dans la région autonome du Kurdistan irakien.
Interrogé sur ce désarmement, M. Hiwa, a assuré que "les négociations n'ont pas encore débutées" -malgré des "contacts" et des "discussions" à la prison d'Imrali.
"Ces questions seront abordées lors des négociations (de M. Öcalan) avec les responsables de l'Etat turc", a souligné M. Hiwa, porte-parole de l'Union des communautés du Kurdistan (KCK), qui chapeaute le PKK.
Si l'incertitude règne sur le sort réservé aux combattants du mouvement qui espèrent une amnistie, des médias turcs ont récemment indiqué que des cadres pourraient être contraints à l'exil dans des pays tiers, citant la Norvège ou l'Afrique du Sud, tandis que d'autres devraient rester dans le nord de l'Irak.
"Si l'Etat turc veut sincèrement et sérieusement faire la paix, il devrait procéder aux amendements législatifs nécessaires pour que les membres du PKK soient intégrés à une société démocratique", a plaidé M. Hiwa.
"L'exil contrevient à la paix et à toute solution démocratique", a-t-il ajouté. "Une vraie paix nécessite l'intégration, non l'exil".
Il a par ailleurs déploré le manque de garanties et de mesures offertes par Ankara pour faciliter la paix. "La Turquie n'a pas cessé ses opérations militaires" dans le nord de l'Irak. "A ce jour des bombardements et tirs d'artillerie continuent de viser nos positions."
- "Implications positives" -
Depuis des années, le combat opposant l'armée d'Ankara au PKK empiète sur les territoires des voisins de la Turquie, l'Irak mais aussi la Syrie.
Ankara a lancé plusieurs offensives dans le nord-est de la Syrie contre les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition dominée par des combattants kurdes alliés aux occidentaux et engagés dans la lutte contre les jihadistes. Mais considérés par Ankara comme une extension du PKK.
Dans une Syrie morcelée par la guerre, le tout nouveau pouvoir de Damas a initié un houleux processus de négociations avec les FDS en vue de leur réintégration dans l'appareil étatique.
"Nous n'intervenons pas dans les affaires concernant les FDS", a diplomatiquement assuré M. Hiwa.
Tout en soulignant que le processus en cours entre le PKK et la Turquie aurait "des implications positives" pour "résoudre la question kurde" ailleurs dans la région.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.