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Le Kurdistan coupe brièvement des routes, guerre des nerfs entre Erbil et Bagdad


Jeudi 12 octobre 2017 à 12h54

Erbil (Irak), 12 oct 2017 (AFP) — Les Kurdes ont brièvement érigé jeudi des barrages entre leur région et Mossoul, après avoir fait état d'une mobilisation de troupes irakiennes face à leurs positions, symbole de la guerre des nerfs entre Bagdad et la région autonome après le référendum d'indépendance.

Ces préparatifs d'un assaut, annoncés mercredi soir par les Kurdes, ont été démentis tant pour les forces irakiennes que par la coalition internationale présente dans la zone.

"Les deux routes principales reliant Erbil et Dohouk à Mossoul ont été rouvertes à la population et la situation est redevenue normale après quelques heures", a déclaré à la mi-journée à l'AFP un haut responsable militaire kurde à Erbil.

"La fermeture", annoncée un peu plus tôt, "était motivée par la crainte d'une attaque potentielle des forces irakiennes sur les zones disputées", a-t-il ajouté.

La veille au soir, les autorités kurdes avaient fait état de préparatifs des forces irakiennes et dit craindre un assaut sur les régions disputées de Kirkouk et de Mossoul.

"Nous avons reçu de dangereux messages selon lesquels les (groupes para-militaires du) Hachd al-Chaabi et la police fédérale préparent une attaque majeure à partir du sud-ouest de Kirkouk et du nord de Mossoul contre le Kurdistan", avait proclamé le Conseil de sécurité du gouvernement autonome du Kurdistan (KRG), la plus haute instance de défense.

- 'Un seul ennemi, Daech' -

Cette affirmation a été démentie, jeudi, par le porte-parole du Commandement conjoint des opérations (JOC) --qui regroupe toutes les forces irakiennes sur le terrain--, et celui de la coalition internationale, lors d'une conférence de presse commune au ministère de la Défense.

"Notre mission est claire: nous combattons un seul ennemi, Daech (acronyme arabe de l'EI). Tout ce qui intéresse les Irakiens, dans leurs composantes, c'est de libérer notre pays et de bouter l'organisation terroriste", a fait valoir le général Yehya Rassoul.

Il a par ailleurs indiqué avoir "reçu des images de la coupure des routes" par les Kurdes. "Je pense que la dialogue entre le gouvernement irakien et le Kurdistan va résoudre le problème", a-t-il ajouté.

"Ce n'est pas la première fois que nous atteignons les lignes de front des peshmergas, comme à Tal Afar (en août) et aujourd'hui à Hawija, et nous n'oublions pas le rôle joué par les peshmergas" (les combattants kurdes, ndlr) dans la lutte contre l'EI, a encore relevé le général Rassoul.

Le colonel américain Ryan S. Dillon, porte-parole de la coalition internationale, a tenu un discours similaire.

Interrogé sur des préparatifs d'assaut de forces irakiennes, il a répondu: "Primo, nous n'en avons pas vu et, secundo, notre mission est claire, c'est de défaire Daech. Nous l'avons fait à travers l'Irak et actuellement Daech existe à Rawa et Qaïm", a-t-il commenté, faisant allusion aux deux localités de l'ouest irakien encore aux mains des jihadistes.

Les relations entre Bagdad et Erbil se sont dégradées après le référendum d'indépendance du 25 septembre tenu par les autorités kurdes à l'initiative du président Massoud Barzani.

- Frapper au portefeuille -

Au titre de la guerre des nerfs entre les deux parties, un tribunal de Bagdad a ordonné mercredi l'arrestation des organisateurs de ce scrutin, à la demande du gouvernement irakien, une décision qui ne pourra toutefois être appliquées que si ces responsables sortent du Kurdistan.

Le pouvoir central a pris ou promis d'autres mesures de rétorsion contre la région autonome, dont il veut notamment tarir les revenus pétroliers.

Les liaisons aériennes entre le Kurdistan et l'étranger ont été interrompues par Bagdad dès la victoire massive du "oui" à l'indépendance.

Lundi, le Conseil de la sécurité nationale, présidé par le Premier ministre Haider al-Abadi, a annoncé une série de mesures visant à frapper au portefeuille la région autonome, déjà minée par la plus grave crise financière de son histoire.

Bagdad a promis des sanctions contre les fonctionnaires ayant participé au référendum, et menacé les "corrompus" en prévenant que les fonds détournés seraient "récupérés".

Le gouvernement irakien a également réclamé de reprendre la main sur les revenus pétroliers et le juteux commerce des entreprises de téléphonie mobile. Le lendemain, Bagdad a accéléré en annonçant la remise en état urgente d'un oléoduc reliant les champs de pétrole de Kirkouk, qu'Erbil lui dispute, au port truc de Ceyhan.

Cet oléoduc vise à court-circuiter celui établi en parallèle en 2013 par les Kurdes. L'exportation du pétrole sous contrôle kurde atteint en moyenne 550.000 b/j, dont la moitié est extraite des champs de Kirkouk, et constitue une importante source de revenus pour le Kurdistan irakien.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.