Mardi 10 novembre 2009 à 18h33
ANKARA, 10 nov 2009 (AFP) — Le gouvernement turc s'est engagé mardi à "une ouverture démocratique" en Turquie, en présentant son projet de mesures en faveur de la communauté kurde, une initiative controversée censée apporter une solution politique à la sensible question kurde.
Le ministre de l'Intérieur Besir Atalay a expliqué lors d'un débat houleux la nécessité de ce plan d'action, avant que le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan expose, probablement jeudi lors d'un deuxième débat, les grandes lignes de cette "ouverture démocratique" très critiquée par l'opposition, qui y voit une menace pour l'unité nationale.
"Aucune mesure pouvant porter atteinte à l'unité du pays ne figurera dans cette ouverture", a assuré M. Atalay. Sans entrer dans les détails, il a affirmé que son gouvernement souhaitait parvenir à un "consensus" pour des réformes étendant les libertés et les normes démocratiques.
Sans dévoiler de mesure concrète, le ministre a souligné que le temps était venu de traiter le problème avec "courage, sincérité et détermination" et de présenter des mesures "réelles et non palliatives" pour éradiquer, à terme, l'insurrection séparatiste kurde.
Depuis l'été, le Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) de M. Erdogan s'efforce de préparer l'opinion à l'annonce de son plan, destiné à saper le soutien dont dispose le Parti illégal des travailleurs du Kurdistan (PKK) parmi une frange de sa population kurde.
Le projet vise essentiellement à améliorer les droits des Kurdes. Il pourrait, selon la presse, envisager l'usage de la langue kurde à l'école dans le secteur éducatif, assurer le retour d'Irak des réfugiés kurdes et investir dans le sud-est, majoritairement kurde et défavorisé.
Le 19 octobre, le processus a pris une nouvelle dimension lorsqu'un "groupe de paix" composé de rebelles et de civils kurdes issus de camps irakiens, est rentré en Turquie. Cet événement a été suivi de manifestations de joie dans les villes kurdes. Mais le tollé suscité par cette liesse a amené Ankara à reporter le retour en Turquie d'autres groupes.
La Turquie combat le PKK au prix de 45.000 morts depuis 1984.
L'opposition a dès l'ouverture de la séance mardi tenté en vain de bloquer les discussions, avançant qu'elles ne pouvaient se faire au jour anniversaire de la mort du père-fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk.
Ses porte-paroles ont ensuite vivement attaqué le gouvernement.
"C'est un projet de trahison et de destruction", a martelé un député nationaliste, Kemal Erdal Sipahi, accusant le parti d'Erdogan de vouloir diviser le pays sur des bases ethniques.
Onur Öymen, un intervenant social-démocrate a accusé le gouvernement de "parler pour ne rien dire" et de s'engager dans un dialogue tacite avec le chef-fondateur du PKK, Abdullah Öcalan, condamné à la prison à vie en Turquie.
Pour manifester sa volonté d'ouverture, le gouvernement a présenté mardi au Parlement un projet de loi réduisant les peines encourues par les enfants kurdes arrêtés lors de manifestations pro-PKK.
Le PKK qui est sur la liste noire des organisations terroristes, a rejeté les efforts de l'AKP, évoquant "des réformes de façade" et réclamant une référence à l'identité kurde dans la Constitution turque.
Consciente que le problème kurde gêne sa candidature à l'Union européenne, la Turquie a depuis ces dernières années accordé d'importants droits culturels à sa population kurde, estimée à plus de 12 millions d'habitants (sur 71).
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.