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Le gouvernement turc fait un geste pour tenter d'enrayer la grève de la faim des Kurdes


Mardi 13 novembre 2012 à 13h55

ANKARA, 13 nov 2012 (AFP) — Après deux mois de bras de fer, le gouvernement turc a fait un geste mardi pour tenter d'enrayer la vague des grèves de la faim suivies par plusieurs centaines de détenus kurdes en faisant déposer un projet de loi les autorisant à se défendre dans leur langue devant les tribunaux.

Comme il s'y était engagé, le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir a présenté devant le Parlement un texte qui satisfait cette revendication de longue date de la communauté kurde, au 63e jour d'un mouvement entré dans une phase critique pour la santé des protestataires.

La proposition autorise un détenu kurde à "faire usage, s'il le souhaite, d'une autre langue (que le turc) pour se défendre d'accusations portées à son encontre dans les tribunaux". Elle ouvre également le droit pour les détenus de recevoir des visites conjugales, jusque-là interdites.

Même significatif, ce geste des autorités ne semble toutefois pas en mesure de permettre la fin du mouvement engagé le 12 septembre et aujourd'hui suivi par quelque 700 détenus incarcérés pour leurs liens supposés avec les séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en guerre avec Ankara depuis 1984.

Une source parlementaire a ainsi suggéré à l'AFP que le projet de loi déposé mardi ne pourrait être discuté en séance pleinière qu'une fois la grève de la faim suspendue.

Et Sirri Süreyya Önder, un des élus du Parti de la paix et de la démocratie (BDP) pro-kurde qui ont commencé à jeûner la semaine dernière par solidarité , a jugé "insuffisante" l'initiative gouvernementale et exhorté les autorités à assouplir immédiatement les conditions de détention du chef historique du PKK Abdullah Ocalan.

Au-delà de celles concernant l'utilisation du kurde devant les tribunaux et la levée des restrictions à l'éducation en kurde en Turquie, le sort judiciaire réservé au chef kurde constitue le fond des exigences des militants kurdes.

- Inflexible -

A défaut de sa remise en liberté, ils réclament la fin de l'isolement imposé à Abdullah Ocalan, incarcéré depuis 1999 sur l'île d'Imrali (nord-ouest) depuis que sa condamnation à mort a été commuée en réclusion criminelle à perpétuité. Et qu'il puisse à nouveau s'entretenir avec ses avocats, qui n'ont pu lui rendre la moindre visite depuis un an et demi.

La semaine dernière, le co-président du BDP Selahattin Demirtas a indiqué à l'AFP que seul le rétablissement de ce droit de visite pourrait permettre au mouvement de "prendre fin".

Mais sur ce point, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan paraît totalement inflexible et a exclu catégoriquement mardi encore de céder à ce qu'il appelle le "show" des grévistes de la faim. "Notre gouvernement ne cèdera pas au chantage", a-t-il lancé devant les députés de son parti, "qu'ils poursuivent leur grève, nous ne cèderons pas !"

Si M. Erdogan a jusque-là joué la seule carte de la fermeté, certains au sein de son gouvernement ont laissé poindre un certain embarras face à cette vague de grèves de la faim et de ses conséquences sur l'image de la Turquie à l'étranger. A commencer par le président Abdullah Gül, qui a appelé à plusieurs reprises les détenus à cesser leur jeûne.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, le gouvernement islamo-conservateur de l'AKP a fait progresser les droits culturels des Kurdes. Ce mouvement de contestation dans les prisons, le premier auquel il est confronté, intervient alors que les combats font rage entre l'armée et le PKK dans tout le sud-est du pays.

Pour certains grévistes de la faim, le compte à rebours a déjà commencé. "Des décès peuvent survenir à tout moment. En tout cas, le cap des séquelles irréversibles est franchi pour certains", a souligné mardi le président de l'Association turque des droits de l'Homme (IHD), Öztürk Türkdogan.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.