Samedi 9 janvier 2010 à 09h29
ANKARA, 9 jan 2010 (AFP) — Revers sur une initiative en faveur des Kurdes, turbulences avec l'armée et hésitations sur le rapprochement avec l'Arménie: le gouvernement islamo-conservateur turc entame une année difficile et l'éventualité d'élections anticipées est de plus en plus évoquée.
"Que personne ne rêve, les élections auront lieu en temps normal", c'est-à-dire en 2011, a voulu rassurer vendredi le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, interpellé à répétition ces derniers jours par l'opposition et une partie de la presse sur l'éventualité d'élections législatives anticipées.
Aux dernières législatives, à l'été 2007, son Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) avait obtenu 47% des voix, s'assurant quatre ans de plus d'un pouvoir qu'il détient depuis 2002.
Mais le parti est depuis en perte de vitesse et n'a rassemblé que 39% des suffrages aux élections municipales de mars 2009.
L'"ouverture démocratique" visant à mieux respecter les droits des 12 millions de Kurdes (sur 71 millions), annoncée cet été, s'est heurtée à la vive opposition des milieux nationalistes mais aussi d'une importante partie de la population qui y voit une menace à l'unité nationale.
Cette initiative a accouché, en novembre 2009, de réformes en demi-teinte, avant de sombrer avec la dissolution par la justice du parti pro-kurde, accusé de collusion avec la rébellion armée. Des émeutes et incidents meurtriers ont suivi.
La crédibilité du gouvernement en a souffert.
"Nous sommes aujourd'hui dans une situation pire qu'avant dans le dossier kurde, mal géré par le gouvernement", estime l'intellectuelle Nuray Mert, dans le journal Vatan.
Pour ce professeur de sciences politiques, le gouvernement a manqué de vision politique pour régler un problème gangrené par plus de 25 ans de lutte armée kurde, et un lourd bilan de 45.000 morts.
L'année a par ailleurs débuté par de nouvelles tensions entre l'armée et le pouvoir politique. L'étau judiciaire s'est resserré autour de l'état-major, avec des perquisitions sans précédent dans les archives secrètes de l'armée.
Il s'agirait cette fois d'un complot d'officiers visant le vice-Premier ministre, Bülent Arinç.
Depuis 2007, plus de 200 personnes, dont bon nombre de militaires, ont été écrouées dans le cadre d'une vaste enquête sur un réseau clandestin cherchant à déstabiliser le gouvernement. L'armée turque qui a renversé quatre gouvernements en 50 ans, est quotidiennement montrée du doigt.
"L'Histoire se souviendra de cette période comme d'une période très sombre", commente Mme Mert, accusant le gouvernement d'"autoritarisme".
"L'AKP nous dupe en se posant en champion de la démocratie, alors que le pays se dirige à grands pas vers un régime de parti unique", dit-elle, évoquant une lutte de pouvoir entre l'exécutif et les forces laïques telles que l'armée et certains corps de l'Etat.
Sur le plan extérieur, le rapprochement entre la Turquie et l'Arménie voisine, lancé en fanfare en 2009 après une longue hostilité autour de la question du génocide arménien sous l'empire ottoman, est suspendu à une hypothétique avancée sur la question du Nagorny Karabakh, qui divise toujours l'Arménie et l'Azerbaïdjan, allié d'Ankara.
"Les accords ne seront pas ratifiés au Parlement (turc) tant que nos frères azéris n'auront pas obtenu gain de cause au Karabakh", a indiqué à l'AFP le vice-président de l'AKP Hüseyin Celik.
La normalisation turco-arménienne semble aujourd'hui incertaine, alors qu'approche le 24 avril, date limite pour la ratification des textes signés par les deux pays.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.