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Le difficile départ des arabes de Kirkouk


Samedi 17 novembre 2007 à 06h46

KIRKOUK (Irak), 17 nov 2007 (AFP) — Sur le mur de béton qui protège des attentats la mairie de Kirkouk, des listes de noms. Hussein Jari y cherche le sien, et ne le trouve pas. Il devra encore attendre pour toucher 16.000 dollars et, comme des milliers d'Arabes candidats au départ, quitter la ville.

Ils sont 36.000, sur les dizaines de milliers d'Irakiens arabes transférés dans cette province à majorité kurde par le régime de Saddam Hussein désireux à l'époque "d'arabiser" la région, à avoir déposé un dossier pour obtenir du gouvernement de quoi se réinstaller dans leur région d'origine.

"Nous voulons bien rentrer chez nous, près de Bassorah (sud), assure Hussein Jari, maçon chiite de 36 ans, au chômage. J'habite la maison de Kurdes qui ont été chassés par Saddam. Je veux bien la leur rendre, mais sans argent, comment faire ?"

Depuis la chute en 2003 du régime du dictateur irakien, le retour chez eux des milliers de Kurdes déplacés à l'intérieur du pays dans les années 1980 est une priorité pour les autorités locales.

Mais, comme ce retour modifie la démographie d'une région riche en pétrole et disputée, dans laquelle doit se tenir un référendum d'auto-détermination, les réticences sont nombreuses et le processus peine à se mettre en place.

Dans le bureau où il préside le comité chargé d'examiner les demandes d'indemnisations arabes et de réintégrations kurdes, Babakir Sidiq Ahmed, membre kurde du Conseil provincial, reconnaît que "le mécanisme de retour est grippé".

"Sur les 36.000 demandes que nous avons reçues, moins de 1.000 ont été réglées. Cela prend du temps, il faut des décisions de justice, c'est compliqué. Et il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas quitter les maisons qu'ils occupent ou voir les Kurdes revenir", dit-il.

Les expulsions par la police de familles arabes, théoriquement possibles, pourraient envenimer encore davantage la situation dans une région où la violence intercommunautaire persiste.

Au moins deux attaques y sont perpétrées chaque jour, essentiellement par les insurgés arabes, contre la police ou l'armée irakiennes.

"Nous parvenons à récupérer pour les Kurdes les terres agricoles, mais c'est à peu près tout", ajoute Babakir Sidiq Ahmed.

Le maire de la ville, Abdulrahmane Zangara, lui aussi kurde, reconnaît, en le regrettant, que "si les familles arabes veulent rester là où elles sont, elles le peuvent. Il faut une décision de justice, l'examen par un comité. C'est très long".

En fait, explique Hussein, un journaliste local qui demande à ne pas être identifié à cause du danger que cela pourrait lui faire courir, "de nombreuses familles arabes ne veulent pas entendre parler de départ. Ou alors, elles espèrent de grosses indemnités que personne n'est prêt à payer. D'autant que leurs régions d'origine sont souvent plus dangereuses qu'ici".

Revenus en nombre dans la province ces dernières années, les Kurdes s'entassent à Kirkouk dans des bâtiments officiels à l'abandon ou des anciennes casernes de l'armée de Saddam Hussein. Ils sont près de 2.000 à avoir construit des abris de fortune dans l'un des stades de la ville.

Dans le désert aux abords de la ville, sur des terrains communaux, ils édifient avec des planches et de mauvais parpaings des maisons brinquebalantes.

"Ils attendent de pouvoir rentrer chez eux, ou de l'argent pour construire. Mais rien ne vient. Et certains passent tous les jours devant leurs anciennes maisons, occupées par les Arabes. Ce n'est pas bon", ajoute Hussein. "Le but des gens d'Al-Qaïda ici est de créer des troubles, de monter les communautés les unes contre les autres. Avec une situation pareille, c'est facile".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.