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La Turquie vers un second tour inédit pour la présidentielle


Dimanche 14 mai 2023 à 22h37

Ankara, 14 mai 2023 (AFP) — Un second tour inédit semble se profiler dimanche soir en Turquie, suspendue aux résultats du dépouillement de l'élection présidentielle, qui donnent le président Recep Tayyip Erdogan au coude à coude avec son adversaire Kemal Kiliçdaroglu.

Le chef de l'Etat de 69 ans, au pouvoir depuis 20 ans, perdait dans la soirée l'avance dont le créditaient les médias officiels sur son rival social-démocrate, passant sous la barre des 50%, selon l'agence étatique Anadolu.

Même si ces chiffres sont encore susceptibles d'évoluer, pour le troisième homme de cette élection, Sinon Ogan, dissident du parti nationaliste MHP crédité d'environ 5% des voix, ces résultats ouvrent la voie à un deuxième tour le 28 mai. Ce qui constituerait une première pour la République turque, centenaire cette année.

"Nous allons avoir 15 jours difficiles devant nous en cas de deuxième tour", a-t-il prévenu en refusant de dire quel candidat il soutiendrait.

Pour être déclaré vainqueur, l'un des deux candidats de tête doit obtenir une majorité de 50% des voix plus une.

Dans l'attente des résultats définitifs, les deux camps se sont livrés une bataille de chiffres, enjoignant leurs observateurs respectifs à rester sur les lieux de dépouillement "jusqu'au bout".

"Nous sommes en tête", a affirmé Kemal Kiliçdaroglu.

L'un de ses bras droits, le maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, a appelé "les citoyens à ne pas tenir compte des chiffres donnés par Anadolu".

- Taux de participation record -

"Nous ne croyons pas Anadolu" a-t-il asséné.

A Istanbul, la mégapole de 16 millions d'habitants, les 20% des bulletins qui restaient à dépouiller pourraient aider M. Kiliçdaroglu à réduire l'écart.

A Diyarbakir, la grande ville à majorité kurde du sud-est du pays, Kemal Kiliçdaroglu a obtenu plus de 71% des voix sur les quatre-cinquièmes des bulletins dépouillés, selon Anadolu.

Toute la journée, les urnes se sont remplies de grosses enveloppes couleur moutarde déposées par des électeurs qui ont parfois attendu plusieurs heures devant les écoles transformées en bureaux de vote.

Le taux de participation, semble-t-il proche de 90%, n'a pas été communiqué officiellement.

En jeu: le choix du treizième président de la République turque, qui fête son premier siècle, et l'avenir du chef de l'Etat qui espère se maintenir au pouvoir à l'issue de ce scrutin que les sondages avaient prédit serré.

Le vainqueur doit obtenir une majorité de 50% des voix plus une, sous peine d'un deuxième tour le 28 mai - date anniversaire symbolique du plus grand mouvement de contestations populaire qui a secoué le pouvoir en 2003.

Les 64 millions d'électeurs devaient aussi choisir les 600 députés qui siègeront au parlement monocaméral à Ankara.

En 2018, lors de la dernière présidentielle, le chef de l'Etat l'avait emporté au premier tour avec plus de 52,5 % des voix. Un ballotage constituerait déjà pour lui un revers.

- "Ne pas diviser la Turquie" -

Les électeurs sont principalement partagés entre un vote en faveur du président islamo-conservateur Erdogan, 69 ans, et pour Kemal Kiliçdaroglu, à la tête du CHP, le parti laïque de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne.

"Je dis +continuez+ avec Erdogan", implore au contraire Nurcan Soyer, foulard sur la tête, devant le bureau de vote d'Erdogan.

Dans la ville meurtrie d'Antakya, l'ancienne Antioche (sud) ruinée par le séisme, Mehmet Topaloglu est arrivé parmi les premiers: "Il faut du changement, ça suffit". Les blessures restent vives trois mois après le drame.

M. Kiliçdaroglu emmène un front uni de six partis de la droite nationaliste au centre gauche libéral. Il a en outre reçu le soutien du parti prokurde HDP, troisième force politique du pays.

M. Erdogan se présente cette fois devant un pays usé par une crise économique, avec une monnaie dévaluée de moitié en deux ans et une inflation qui a dépassé les 85% à l'automne.

Face à lui, Kemal Kiliçdaroglu a joué la carte de l'apaisement, promettant le rétablissement de l'Etat de droit et le respect des institutions, malmenées au cours des 10 dernières années par la dérive autocratique de M. Erdogan.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.