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La Turquie salue le geste de paix d'Öcalan, mais les questions demeurent


Vendredi 22 mars 2013 à 12h40

ISTANBUL, 22 mars 2013 (AFP) — L'appel à déposer les armes lancé jeudi par le chef rebelle kurde Abdullah Öcalan est largement salué en Turquie comme un pas important vers la paix, même si les obstacles restent encore nombreux sur la voie d'un règlement d'un conflit qui déchire le pays depuis près de trente ans.

"L'adieu aux armes", "c'est le printemps de la Turquie". Les "unes" de la presse turque ont souligné la caractère historique du message du fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), lu à Diyarbakir (sud-est) à l'occasion du Nouvel an kurde (Newroz).

"Une nouvelle ère se lève où la politique doit prévaloir, pas les armes", a lancé Abdullah Öcalan, "maintenant nous sommes arrivés à une étape où les éléments armés doivent se retirer en dehors des frontières de la Turquie".

Comme le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui a qualifié ce geste de "positif", la plupart des éditorialistes de la presse turque ont applaudi les propos du chef rebelle.

"Avec ce message, Öcalan a totalement changé la direction qu'avait prise ce conflit depuis trente ans", a relevé Sedat Ergin dans les colonnes du quotidien libéral Hürriyet. "Cette année, Newroz donne le coup d'envoi d'un processus irrévocable", a renchéri son confrère du journal de centre-gauche Milliyet.

Au-delà de l'appel au cessez-le-feu, le cinquième proclamé par le PKK depuis le début du conflit en 1984, les mots choisis par le chef kurde dans sa déclaration ont retenu l'attention. Particulièrement à Ankara.

"D'abord, il y a le message que le temps des armes est révolu et que le combat doit se poursuivre par des voies démocratiques, c'est très important", a souligné le principal conseiller du chef du gouvernement, Yalcin Akdogan, sur la chaîne CNN-Türk, "ensuite, jamais il n'a autant insisté sur l'unité et la fraternité".

Le fondateur du PKK a renoncé il y a plusieurs années à la création d'un Etat kurde indépendant et prône désormais pour les 12 à 15 millions de Kurdes de Turquie une large autonomie au sein de la Turquie. "Notre histoire commune nous impose de construire notre avenir ensemble", a-t-il répété dans son message.

Interrogations

Si cette répétition a levé l'hypothèque d'une scission de la Turquie, certains oublis de son discours ont aussi été relevés. Abdullah Öcalan n'a ainsi défini aucun calendrier pour le retrait de ses combattants et s'est bien gardé de parler de désarmement. D'où l'extrême prudence manifestée jeudi par les autorités d'Ankara.

Les gestes du gouvernement islamo-conservateur attendus en retour de l'appel d'Abdullah Öcalan alimentent autant d'interrogations.

Le "paquet" législatif déposé récemment au Parlement doit permettre de libérer plusieurs centaines de personnes incarcérées pour leur proximité supposée avec le PKK. Et la réforme de la Constitution en cours doit être l'occasion d'y inscrire des droits revendiqués de longue date par la minorité kurde.

Malgré ces assurances, nombre de Kurdes sont restés sceptiques. "Dans le passé aussi on nous a fait des promesses et on n'a rien obtenu", confiait jeudi à l'AFP un jeune kurde présent dans la foule de Diyarbakir.

Dans l'autre camp, les craintes sont tout aussi nombreuses. Les députés du parti ultranationaliste MHP ont crié jeudi à la "trahison". "Ils s'entendent tellement bien, le terroriste et le Premier ministre unis par l'islam", a raillé vendredi Bekir Coskun dans le quotidien d'opposition Cumhuriyet, "vous saurez bientôt quelles concessions la République de Turquie a consenti pour celui qui est en prison".

Pour toutes ces raisons, le chemin de la paix reste pavé d'embûches. "Une série de mesures destinées à rétablir la confiance reste apparemment nécessaire", a écrit vendredi Murat Yetkin dans le quotidien de langue anglaise Hürriyetdailynews. "Une seule initiative ne résoudra pas des problèmes qui durent depuis des siècles", a insisté l'historien Murat Bardakci dans les colonnes du journal d'Haberturk.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.