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La Turquie s'éloigne d'un règlement pacifique de la question kurde


Vendredi 19 août 2011 à 20h27

ISTANBUL, 19 août 2011 (AFP) — La Turquie s'éloigne d'un règlement pacifique de la question kurde et risque d'entrer dans un nouveau cycle de violences, estimaient vendredi des analystes au troisième jour de raids aériens turcs contre des bases des rebelles kurdes en Irak.

L'armée a déclenché ces frappes en riposte à une embuscade meurtrière des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le sud-est de la Turquie.

"Nous entrons dans une ère où le langage de la guerre et de la violence va l'emporter", jugeait l'éditorialiste Soli Ozel dans le quotidien Haber Turk, avertissant des conséquences d'une recrudescence de la violence.

"Le plus dangereux, c'est de laisser dans le désespoir les Turcs, les Kurdes, la majorité des gens qui vivent dans ce pays, alors même qu'à chaque occasion ils montrent avec leurs votes qu'ils n'en peuvent plus de la terreur et de la guerre", poursuivait-il.

Le gouvernement islamo-conservateur du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait adopté une politique plus conciliante sur la question kurde, entamant des contacts avec le chef rebelle kurde Abdullah Öcalan, emprisonné à vie.

Un changement qui avait laissé espérer des progrès vers une issue au conflit qui a fait 45.000 morts depuis que le PKK a pris les armes contre les forces d'Ankara en 1984 pour la création d'un Etat kurde indépendant dans le sud-est, peuplé majoritairement de Kurdes.

Cette revendication s'est muée en demande d'autonomie au sein d'un système fédéral, défendue par la principale formation kurde, le Parti de la paix et de la démocratie (BDP).

Et lors des législatives de juin dernier, le "bloc kurde" soutenu par le BDP, a réalisé un score historique, remportant 36 députés contre 20 au Parlement sortant.

Le parti de M. Erdogan, l'AKP, a toutefois largement remporté le scrutin.

Fin juillet, Abdullah Öcalan a accusé Ankara d'intransigeance et exigé sa libération. Puis, après une série d'attaques lancées par le PKK, le gouvernement a choisi la manière forte.

Le PKK, qui a officiellement décrété un cessez-le-feu, dit de son côté qu'une quarantaine de ses combattants ont été tués depuis le scrutin du 12 juin.

Après la nouvelle embuscade qui a tué mercredi neuf membres des forces turques dans le sud-est de la Turquie, M. Erdogan a lancé: "Notre patience est à bout".

Signalant un raidissement, il a évoqué "une nouvelle ère", avertissant que "ceux qui ne s'écartent pas du terrorisme vont en payer le prix", un message adressé aux politiciens kurdes jugés trop proches du PKK.

Il a ensuite réuni le Conseil national de sécurité (MGK), qui rassemble les plus hautes autorités politiques et militaires, qui s'est également prononcé en faveur d'un durcissement contre le PKK.

Aucune activité qui pourrait menacer l'unité indivisible de la nation turque ne sera tolérée, a assuré le MGK, soulignant que la lutte contre "le terrorisme du PKK sera poursuivie avec détermination, sans pour autant renoncer aux principes de l'Etat de droit".

La politologue Nuray Mert affiche son pessimisme. "Une nouvelle atmosphère, un cadre politique dans lequel ceux qui veulent la paix où ne pensent pas comme le gouvernement sont ciblés émerge clairement", dit-elle.

Au contraire, l'éditorialiste Ismaïl Kucukkaya juge dans le quotidien Aksam que les responsables turcs ont "commencé à tracer deux voies parallèles en faisant la différence entre la lutte contre la terreur séparatiste et la poursuite de la politique de démocratisation" des institutions du pays.

"L'organisation terroriste veut un nouveau cycle, veut la guerre, et cherche à verser davantage de sang. Le gouvernement prend des mesures pour briser ce cycle", estime-t-il.

Le député kurde Aysel Tugluk juge pour sa part que "le Premier ministre utilise sa victoire électorale pour défaire ses adversaires". "Les espoirs d'un solution se sont sérieusement amenuisés", dit il, estimant que les Kurdes ont perdu confiance dans le gouvernement.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.