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La Turquie lance son offensive contre une milice kurde en Syrie


Mercredi 9 octobre 2019 à 17h48

Ras al-Ain (Syrie), 9 oct 2019 (AFP) — La Turquie a lancé mercredi une offensive dans le nord-est de la Syrie contre une milice kurde soutenue par les Occidentaux dans la lutte antijihadistes, après que le président américain Donald Trump a paru laisser le champ libre à Ankara.

L'aviation et l'artillerie turques bombardaient en début de soirée les positions des Unités de protection du peuple (YPG) à Ras al-Aïn et Tal Abyad, deux localités du nord-est de la Syrie proches de la frontière turque, selon les médias turcs et une ONG.

Les forces kurdes ont annoncé la mort de deux "civils" dans les raids turcs.

L'annonce du début de l'offensive a été faite par le président turc Recep Tayyip Erdogan, plus que jamais déterminé à éloigner de la frontière turque cette milice qu'Ankara considère comme "terroriste" en raison de ses liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).

"Les Forces armées turques et l'Armée nationale syrienne (des rebelles syriens soutenus par Ankara, NDLR) ont débuté l'opération +Source de paix+ dans le nord de la Syrie", a annoncé M. Erdogan sur Twitter.

Cette opération vise, selon lui, "les terroristes des YPG et de Daech" (acronyme arabe du groupe Etat islamique) et a pour objectif de mettre en place une "zone de sécurité" destinée à séparer la frontière turque des positions kurdes et accueillir des réfugiés.

- "Mobilisation générale" -

Cette offensive, que la Turquie menaçait depuis plusieurs mois de lancer, est la troisième d'Ankara en Syrie depuis 2016. Elle ouvre un nouveau front dans un conflit qui a fait plus de 370.000 morts et des millions de déplacés depuis 2011.

Le président américain Donald Trump a semblé donner son feu vert dimanche à une telle opération avant de nuancer ses propos et d'assurer que Washington n'avait "pas abandonné les Kurdes", qui ont joué un rôle crucial dans la défaite militaire de l'EI.

Si les Occidentaux louent le rôle des YPG dans la bataille contre l'EI, Ankara considère ces combattants kurdes comme une menace à sa sécurité en raison de leurs liens avec le PKK, qui livre une guérilla sur le sol turc.

Quelques heures avant le début de l'offensive, les Kurdes de Syrie, confrontés aux atermoiements de leur allié américain, avaient décrété une "mobilisation générale" des habitants, tout en appelant Moscou à intervenir pour faciliter un dialogue avec le régime de Damas.

Après les frappes turques, les forces kurdes ont déployé des combattants équipés de lance-roquettes, selon un correspondant de l'AFP.

Les médias turcs ont rapporté que huit projectiles tirés par les YPG étaient tombés sur les villes turques frontalières d'Akçakale et de Nusaybin, sans faire état de victime.

- "Priez pour nos alliés" -

Le déclenchement de l'offensive a été fermement condamné par plusieurs pays qui craignent un chaos susceptible de donner une chance de rebond aux éléments dispersés de l'EI et qui plonge dans l'incertitude le sort des jihadistes prisonniers des YPG.

Le porte-parole de M. Erdogan, Ibrahim Kalin, a lui appelé les pays européens à "reprendre" leurs ressortissants ayant intégré les rangs de l'EI et aujourd'hui détenus par les forces kurdes.

Paris, qui a "très fermement" condamné l'incursion turque, a immédiatement saisi le Conseil de sécurité de l'ONU.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a exigé l'arrêt de l'offensive, pendant que l'Allemagne a estimé que l'opération risquait "de provoquer une résurgence" de l'EI.

Aux Etats-Unis, alors que le président Trump entretient le flou, un poids lourd des Républicains et proche du dirigeant milliardaire, Lindsey Graham, a vivement dénoncé l'opération d'Ankara.

"Priez pour nos alliés kurdes qui ont été honteusement abandonnés", a-t-il écrit sur Twitter. "Je vais mener les efforts aux Congrès pour qu'Erdogan paie très cher".

Le président russe Vladimir Poutine, avec lequel M. Erdogan entretient une étroite relation personnelle, avait invité, avant le déclenchement de l'offensive, son homologue turc à "bien réfléchir".

Côté ONG, Amnesty international a souligné que "à la fois les forces turques et kurdes" avaient, "dans le passé, mené des attaques aveugles en Syrie" ayant "fait de nombreuses victimes parmi les civils".

Lynn Maalouf, sa directrice des recherches sur le Moyen-Orient, a exhorté à faire en sorte que "cela ne se reproduise pas".

Le pouvoir de Bachar al-Assad s'est engagé à "contrecarrer toute agression" de la Turquie, se disant prêt à "accueillir dans son giron" la minorité kurde.

Longtemps marginalisés et victimes des discriminations du pouvoir central, les Kurdes ont réussi à instaurer une autonomie de facto à la faveur du conflit qui ravage la Syrie depuis 2011.

Au moins 18.000 combattants syriens supplétifs d'Ankara ont été mobilisés pour participer à l'offensive, a affirmé mercredi un de leurs porte-parole.

Ces combattants appartiennent à des factions regroupées au sein de l'Armée nationale syrienne (ANS), une coalition de groupes armés, financés et entraînés par Ankara.

bur-gkg/ezz/gk

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.