Lundi 12 novembre 2007 à 09h14
ERBIL (Irak), 12 nov 2007 (AFP) — Par milliers, les chrétiens d'Irak ont trouvé dans la partie kurde du pays un havre de paix et de coexistence pacifique, fuyant les autres régions où leurs églises sont prises pour cibles et leurs prêtres kidnappés.
Ceux, nombreux, dont les familles étaient originaires de la région ont reconstruit des maisons dans les villages le plus souvent désertés de longue date, près de la frontière avec la Turquie.
Les autres, venus de Bagdad, Mossoul ou ailleurs, louent à prix d'or des logements dans les quartiers chrétiens, comme celui d'Einkawa dans la banlieue d'Erbil, et attendent que les choses se calment pour rentrer chez eux ou envisagent l'exil à l'étranger.
Dans son bureau de l'archevêché Saint-Joseph à Einkawa, Mgr Rabban al-Qas, évêque d'Erbil et d'Ahmadiya, estime à "plus de 70.000 le nombre de chrétiens venus se réfugier au Kurdistan irakien".
"Plus de deux cents villages, qui avaient été abandonnés ou détruits dans les années 1987/88 lors de l'offensive de Saddam contre les Kurdes, ont été reconstruits. Ceux qui avaient des terrains les ont utilisés. D'autres louent".
Il met les attaques contre les chrétiens sur le compte des "intégristes fanatiques et des 600.000 voyous et criminels libérés par Saddam avant sa chute".
"Trois prêtres ont été tués à Mossoul. Des églises ont été brûlées, dynamitées, mitraillées. Il y a vingt jours, deux prêtres ont été kidnappés à Mossoul, libérés contre rançon".
Ces exactions ont fait souffler un vent de panique sur les chrétiens d'Irak, s'alarme-t-il, et ceux qui l'ont pu ont cherché refuge au Kurdistan irakien, "cette zone de fraternité où ils ont été bien accueillis".
Lina Behnan, 20 ans, qui cuisine au rez-de-chaussée de la maison louée 400 dollars par mois, est de ceux-là. "Nous venons du quartier de Dora, à Bagdad. Très dangereux. Cela a commencé par des menaces des islamistes sur un de mes frères, barbier, pour qu'il cesse de raser les hommes. Ensuite une voisine a été kidnappée. Et puis ça..."
Elle montre une photo de son autre frère Nasser, 18 ans, le visage grêlé de cicatrices, un bras dans le plâtre. "Une voiture piégée à la sortie de son école. C'était trop. Nous sommes montés en voiture, non-stop jusqu'à Erbil".
Comme les autres réfugiés chrétiens interrogés à Einkawa, Lina se plaint du coût de la vie au Kurdistan, bien supérieur à celui des autres régions. Toute la famille s'est mise au travail pour joindre les deux bouts, mais "on ne pourra pas rester. Dès que les choses se calment à Bagdad, nous rentrerons".
C'est ce qu'ont fait la semaine dernière, pour la première fois et à la faveur d'une baisse des violences dans la capitale, une vingtaine de familles chrétiennes d'Einkawa, indique Mgr al-Qas.
Agnes Yacoub, 38 ans, fait ses courses dans l'épicerie de la famille Habib, tout près du siège d'Ishtar TV, la chaîne de télévision des chrétiens d'Irak. Elle aussi a fui Dora.
"On se sent tellement mieux ici, on peut sortir, respirer. Nous étions les derniers chrétiens du quartier, tous les voisins étaient partis", dit-elle. "Mais comme les gens affluent de partout, les prix montent. C'est le prix de la sécurité, mais nous n'allons pas pouvoir le payer longtemps".
Dans la boutique, Fawazya Benjamin, 50 ans, serre contre ses jupes ses deux petites filles, leur offre des bonbons. Elle a fui il y a cinq mois la ville voisine de Mossoul. "Je ne vivais plus. Chaque fois qu'elles partaient à l'école, j'avais peur de ne jamais les revoir".
Pour loger ses douze enfants, ils louent 600 dollars par mois une grande maison. "Les grands ont quitté l'école, tous travaillent pour payer le loyer, mais cela ne pourra pas durer. Dès que les choses se calment à Mossoul, il faudra bien y retourner..."
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.