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La question kurde, priorité d'Erdogan après sa victoire électorale


Mardi 14 juin 2011 à 12h26

ANKARA, 14 juin 2011 (AFP) — Après la grande victoire électorale de son parti au pouvoir, le Premier ministre turc devra d'urgence se pencher sur la question kurde et tenter de se réconcilier avec les représentants d'une minorité devenue une force incontournable au Parlement, estiment des experts.

Le Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) de Recep Tayyip Erdogan est sans conteste le vainqueur des législatives turques, qui ont eu lieu dimanche, avec 50% des suffrages.

Mais ce parti, au pouvoir depuis 2002, est condamné à plus ou moins brève échéance à chercher un règlement au conflit kurde, qui a fait 45.000 morts depuis que le Parti des travailleurs (PKK) a pris les armes contre les forces d'Ankara en 1984 pour la création d'un Etat kurde indépendant dans le Sud-Est, peuplé majoritairement de Kurdes.

Cette revendication s'est muée en demande d'autonomie au sein d'un système fédéral, défendue par la principale formation kurde, le Parti de la paix et de la démocratie (BDP), autre gagnant du scrutin.

Le bloc kurde, soutenu par le BDP, a remporté 36 députés contre 20 au Parlement sortant, un score historique.

"Le principal problème sur lequel butte la Turquie est le Sud-Est", théâtre de violences entre armée et rebelles kurdes, commente Güneri Civaoglu, du journal Milliyet.

Il souligne que le prochain gouvernement doit "par des mesures démocratiques" trouver une solution à ce dossier.

Le BDP est devenu "une force que l'on ne peut ignorer" au Parlement, même si elle doit "être consciente des limites de ses revendications", estime l'analyste politique Taha Akyol.

Confortée par une plus forte représentation au Parlement, la revendication autonomiste kurde va monter en puissance, estiment les analystes.

Un maire du BDP vient d'affirmer qu'il ne reconnaît plus les décisions des "tribunaux turcs". Les appels à la désobéissance civile se multiplient, et la violence armée, même sporadique, se poursuit.

Abdullah Öcalan, qui de sa prison, reste le chef de la rébellion, a menacé du pire à partir du 15 juin si les contacts que mènent avec lui les services de renseignements ne reprennent pas.

Et les positions respectives restent éloignées.

"M. Erdogan est catégoriquement opposé à l'enseignement en kurde dans les écoles, principale revendication kurde", estime pour l'AFP Deniz Zeyrek, du quotidien Radikal.

Outre la revendication linguistique, les Kurdes demandent une référence à leur identité dans la nouvelle Constitution promise par M. Erdogan.

A quatre voix près (326 sièges, alors qu'il en faut 330) l'AKP ne dispose pas de la majorité requise à l'Assemblée pour modifier seul la Constitution et la faire évoluer vers un système présidentiel, comme M. Erdogan entend le faire.

Le BDP pourrait ainsi monnayer un soutien à l'AKP pour ce projet constitutionnel, contre ses revendications.

En 2009, le gouvernement avait annoncé une "ouverture démocratique" en faveur des Kurdes, une population estimée entre 12 et 15 millions, suscitant de grands espoirs.

Mais cette initiative a fait long feu, et M. Erdogan est revenu à un discours plus classique: "Un seul drapeau, un seul pays, une seule nation", a-t-il dit lors de sa campagne.

L'étau judiciaire s'est resserré: après la dissolution d'un parti pro-kurde en 2009, les arrestations d'enfants lanceurs de pierres et de centaines de militants kurdes ont ravivé la tension. Le procès du KCK, le réseau de soutien urbain du PKK, se poursuit.

"Les forces politiques n'ont d'autre choix que de surmonter leurs divergences et oeuvrer pour un compromis sur la question kurde", ajoute Deniz Zeyrek.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.