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La passionaria des Kurdes de Turquie prépare son retour au Parlement


Dimanche 15 mai 2011 à 09h41

SILVAN (Turquie), 15 mai 2011 (AFP) — Elle a été torturée, emprisonnée et interdite de politique. Leyla Zana n'a pourtant pas renoncé à défendre les droits des Kurdes et s'apprête à faire son retour au Parlement turc, 20 ans après en avoir été chassée sous les huées.

A moins d'un moins des élections législatives du 12 juin, l'activiste arpente sans relâche le Sud-Est, une région peuplée en majorité de Kurdes, où elle est candidate dans la province de Diyarbakir.

Mais l'atmosphère a changé depuis l'époque où elle avait échoué en prison pour avoir prononcé une simple phrase en kurde au Parlement. Désormais, son bus de campagne est bardé de slogans dans la langue autrefois proscrite, et c'est en kurde qu'elle s'adresse aux foules.

"Vingt ans après, vos votes ne vont pas seulement me faire gagner un siège au Parlement, ils vont aussi soutenir le combat pour la liberté des Kurdes", harangue Leyla Zana, 50 ans, lors d'un rassemblement dans sa ville natale de Silvan.

Les Kurdes ont vu leurs droits progresser ces dernières années, notamment dans le cadre du processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne lancé en 2005, et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a promis d'oeuvrer à la réconciliation.

Le gouvernement n'est cependant pas parvenu à convaincre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de baisser les armes.

L'approche des élections est marquée par un regain de heurts dans les villes kurdes et de combats avec le PKK dans les montagnes. Douze rebelles ont été tués en trois jours lors d'affrontements à la frontière irakienne, et un soldat a perdu la vie dans l'explosion d'une mine, a-t-on appris samedi.

Mais Leyla Zana reste optimiste. "Les deux camps --Turcs et Kurdes-- ont atteint un certain niveau de maturité", a-t-elle déclaré à l'AFP peu avant le meeting de Silvan. "Nous sommes arrivés à un point où nous allons voir si nous pouvons avoir un partenariat, et quel sera le statut des Kurdes."

Mme Zana est devenue la figure de proue du mouvement kurde après avoir été élue en 1991 au Parlement, alors que faisait rage dans le Sud-Est le conflit entre PKK et forces de sécurité.

Lors de la cérémonie d'investiture, la nouvelle députée, arborant un bandeau jaune, vert et rouge --les couleurs du PKK--, avait semé l'indignation en ajoutant à son serment en turc une phrase en kurde appelant à la paix.

Le parti de Mme Zana avait par la suite été interdit pour collusion avec le PKK et la politicienne emprisonnée en 1994. Récompensée en 1995 par le prix Sakharov du Parlement européen pour la liberté de pensée, elle a été libérée en 2004.

"Je n'ai jamais cessé de croire au combat démocratique", a-t-elle déclaré cette semaine. "Mon moral est au plus haut. Je suis pleine d'espoir, et c'est mon seul capital".

Mariée à un cousin à 14 ans après une année seulement de scolarisation, Leyla Zana avait peu de chances de devenir une figure politique. C'est avec son mari, un activiste kurde emprisonné en 1980, qu'elle a commencé à s'intéresser à la politique et à s'instruire.

Comme d'autres femmes kurdes, cette mère de deux enfants a connu les visites en prison à son mari, avec leur lot de d'humiliations par les forces de sécurité et les cris des prisonniers torturés. Elle même connaîtra la torture.

Première femme parlementaire kurde en Turquie, Leyla Zana a été une pionnière de la contestation du système patriarcal dominant dans les régions kurdes. Les femmes tiennent désormais une place importante dans la vie politique régionale.

"Je sais qu'elle fera mieux que les hommes (...) J'ai très envie de la voir à nouveau au Parlement", a déclaré Mehmet Nedimdag, un petit commerçant, interrogé durant l'allocution de Mme Zana à Silvan.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.