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La France rapatrie 35 mineurs et 16 mères, dont Emilie König, détenus dans des camps syriens


Mardi 5 juillet 2022 à 22h32

Paris, 5 juil 2022 (AFP) — La France a rapatrié mardi 35 mineurs et 16 mères des camps de déplacés en Syrie, dont Emilie König, l'une des jihadistes françaises les plus connues, éveillant l'espoir des ONG et familles de voir cesser la politique "inhumaine" du "cas par cas".

Le ministère français des Affaires étrangères a annoncé ces retours mardi, quelques heures après la formation d'un nouveau gouvernement, en précisant que ces enfants et ces femmes se trouvaient jusqu'alors dans les camps du nord-est de la Syrie tenus par les forces kurdes.

Il s'agit du premier rapatriement massif d'enfants et de leurs mères depuis la chute en 2019 du "califat" du groupe État islamique (EI), d'où avaient été notamment planifiés les attentats meurtriers du 13 novembre 2015 en France. Jusqu'alors, seuls quelques enfants avaient été rapatriés par les autorités françaises au "cas par cas".

Selon un communiqué du Parquet national antiterroriste (PNAT), sept des 35 mineurs sont des enfants isolés.

Quant aux femmes, âgées de 22 à 39 ans, "quatre avaient déjà consenti au retour de leurs enfants au cours des derniers mois" et "12 sont revenues accompagnées de leurs enfants". Elles ont la nationalité française "sauf deux d'entre elles qui ont en revanche des enfants français".

Huit ont été placées en garde à vue "en exécution d'un mandat de recherche", selon le PNAT, et sept autres faisant "l'objet d'un mandat d'arrêt" ont été mises en examen pour association de malfaiteurs terroriste criminelle et écrouées, selon une source proche du dossier.

- Détentions -

Parmi ces sept femmes figure Emilie König, 37 ans, originaire de Lorient (Morbihan), partie en Syrie en 2012 et soupçonnée d'avoir agi comme recruteuse pour l'EI. Elle a été placée en détention provisoire après avoir été mise en examen par un juge antiterroriste, a constaté l'AFP lors d'une audience devant le juge des libertés et de la détention (JLD).

"Elle a l'intention de coopérer pleinement avec la justice française", a déclaré à l'AFP son avocat Emmanuel Daoud.

La huitième femme visée par un mandat d'arrêt sera présentée mercredi à un juge d'instruction en vue de sa mise en examen, ayant fait l'objet d'une prise en charge médicale mardi, selon une source proche du dossier. Atteinte d'un cancer du colon, elle a déjà subi deux ablations en Syrie.

Ses quatre enfants ont aussi été rapatriés. "Il était temps", a commenté Me Daoud, qui la défend également.

Un mineur de 17 ans a également été placé en garde à vue à la DGSI (sécurité intérieure), selon une source proche du dossier.

"Les services de renseignement sont venus hier matin dans les camps de Roj avec des listes et photos des familles qu'ils entendaient rapatrier", a témoigné sous le couvert de l'anonymat l'oncle de deux enfants encore sur place.

"Je sais à quel point les enfants français laissés dans les camps souffrent de ne pas avoir été emmenés avec leurs copains et leurs mères", a souligné Me Marie Dosé, conseil de familles encore sur place. "Il reste plus de 150 enfants et leurs mères", selon l'avocate, qui appelle à "un rapatriement de tous dans les plus brefs délais".

- "Grand soulagement" -

"C'est un grand soulagement, on n'aura plus à s'inquiéter jour et nuit pour leur vie", témoigne auprès de l'AFP la tante d'un mineur rentré avec sa mère.

Ces 35 enfants, pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance dans le département des Yvelines, rejoignent les 126 mineurs déjà revenus depuis 2016 de territoires repris à l'EI.

En 2019, près de sept Français sur dix étaient opposés au retour des enfants de jihadistes, selon un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour France Info et Le Figaro.

La question reste aujourd'hui lancinante dans le débat politique en France où des avocats, parlementaires, ONG et instances indépendantes exhortent régulièrement les autorités à suivre l'exemple de voisins européens. L'Allemagne et, plus récemment, la Belgique ont récupéré une grande partie de leurs ressortissants détenus dans les camps syriens qui regroupent déplacés de guerre et proches de jihadistes.

"Nous poursuivrons leur rapatriement tant qu'il le faudra pour les protéger", assuré mardi la secrétaire d'État à l'Enfance Charlotte Caubel sur Twitter.

Le "Collectif des familles unies" a de son côté indiqué dans un communiqué "espérer" que ce rapatriement "signe la fin de cette abjecte politique du +cas par cas+ qui revient à trier des enfants, à séparer les fratries et à arracher des enfants à leurs mères".

La Défenseure des droits Claire Hédon a souligné "l'urgence" à les rapatrier, décrivant "les conditions épouvantables de vie, avec des problèmes de nutrition, des problèmes de santé, un non-accès à l'école".

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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.