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La CEDH condamne la Turquie pour violation de la liberté d'expression d'un leader prokurde


Mardi 9 juillet 2019 à 11h59

Strasbourg, 9 juil 2019 (AFP) — La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a jugé mardi que la Turquie avait violé la liberté d'expression de l'opposant kurde Selahattin Demirtas en le condamnant pénalement pour avoir exprimé son point de vue lors d'une émission de télévision.

Après avoir examiné les déclarations faites en 2005 à la télévision par Selahattin Demirtas, leader prokurde actuellement emprisonné et dont la CEDH avait à l'automne réclamé en vain la libération, "la Cour estime que, prises dans leur ensemble, ces déclarations ne peuvent être regardées comme contenant un appel à l'usage de la violence, à la résistance armée ou au soulèvement, ni comme constituant un discours de haine".

Ancien dirigeant du Parti démocratique des peuples (HDP), Selahattin Demirtas est emprisonné depuis novembre 2016 et accusé de diriger une "organisation terroriste". Son procès doit reprendre mardi prochain en Turquie.

En novembre 2018, la CEDH avait sommé la Turquie de libérer Selahattin Demirtas "dans les plus brefs délais", estimant que sa détention prolongée poursuivait le "but inavoué (...) d'étouffer le pluralisme en Turquie".

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui accuse le HDP d'être la vitrine politique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation illégale armée, considérée comme "terroriste" par Ankara et ses alliés occidentaux, avait rapidement balayé cette décision estimant qu'elle n'était pas contraignante.

La CEDH s'est penchée mardi sur une autre requête datant de 2010 concernant les déclarations faites par téléphone dans une émission de télévision par Selahattin Demirtas, en qualité à l'époque, "de président de l'Association des droits de l'Homme et de porte-parole de la plateforme démocratique de Diyarbakir".

Il y appelait "les autorités et l'opinion publique à prendre en compte le rôle que pourrait jouer M. Öcalan, le chef emprisonné du PKK, dans la détermination d'une solution pacifique au problème kurde ainsi qu'à améliorer ses conditions de détention", détaille la CEDH dans un communiqué.

A la suite de ces déclarations, M. Demirtas avait été inculpé de "propagande en faveur d'une organisation terroriste".

A l'unanimité, "la Cour estime que la procédure pénale engagée contre le requérant pour le chef de propagande en faveur d'une organisation terroriste, ne répondait pas à un besoin social impérieux, n'était pas proportionnée aux buts légitimes visés et qu'elle n'était, dès lors, pas nécessaire dans une société démocratique", a jugé la CEDH, bras juridique du Conseil de l'Europe installé à Strasbourg. Elle ne peut être saisie par un citoyen que quand tous les recours juridiques dans son pays ont été utilisés.

En conséquence, la Turquie est condamnée à verser 2.500 euros pour dommage moral à l'opposant kurde et 1.000 euros pour frais de justice.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.